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vendredi 15 janvier 2016

"Jamais assez maigre, journal d'un top model" à lire, mais aussi à nuancer ;) [digression inside]

Cette semaine j'avais envie de me réjouir de la sortie _très médiatisée_ du témoignage écrit, difficile mais nécessaire, de l'ex-mannequin Victoire Maçon Dauxerre : "Jamais assez maigre, journal d'un top model". Mais aussi de le nuancer (bien que je ne l'aie pas encore lu, et que je m'interroge sur l'envie de le faire, ayant moi-même vécu cette maladie il y a quelques années). Je m'explique : pas nuancer son vécu, son ressenti, son histoire ni les leçons et cicatrices que lui ont laissée cette expérience, et dont elle parle publiquement aujourd'hui, non, bien sûr. Tout ça est à 1000% légitime, et mérite d'être largement partagé. Mais je voulais tenter d'accompagner les conclusions que nous, "public", pourrons en tirer, hors des sempiternels clichés de comptoir qui nous font tourner en rond...


(Je préviens aussi : je ne vais ni commenter ni analyser cette publication, non plus ;) Sa sortie est juste ici le point de départ d'une petite réflexion que j'avais envie de partager avec vous, histoire de plonger un peu plus profondément dans les enjeux du culte du corps tel qu'il est à l'heure actuelle. Le blog tel qu'il est est encore tout frais, et c'est un très bon prétexte pour aborder le sujet en partant d'une actualité importante, que je relaie par la même occasion. Il faut bien que j'essaie de me lancer dans des posts au cœur du problème !)

Je trouve en effet que ce témoignage est une très bonne chose pour dénoncer la pression, tout ce qu'il y a de plus réelle et de plus effroyable, que vivent les femmes (et en particulier, évidemment, les mannequins, au cœur du problème si j'ose dire, et les hommes aussi, de plus en plus) au quotidien pour être minces. Et pour faire connaître les dérives en coulisses du milieu de la mode à ce sujet, ainsi que l'obsession que cela entretient, à grande échelle, tout autour, dans notre société de consommation et d'image, déjà bien sexiste sans ce culte de la taille 0. Oui, la publication de ce livre est une très bonne chose, merci à son auteure pour son courage et son militantisme.

Mais, étant malheureusement assez maso pour aller lire les réactions sur les réseaux sociaux, je sais d'avance (c'est déjà le cas, en fait) que ce récit servira de support à des commentaires pas bien réfléchis et agressifs du style "De toute façon ils sont moches ces sacs d'os, les vraies femmes (j'ai la nausée rien que de retranscrire cette formule oppressive... *soupir*) ont des formes bla bla bla". Discours volant à peu près aussi haut que de commenter le moindre post body positive mettant en scène une femme ronde en disant que c'est "faire la promotion de l'obésité", et que ces corps-là sont "dégueulasses", puisqu'on va par là. Oui oui, le body shaming, quelle qu'en soit la forme, ça pue du cul.

Ce serait dommage de passer à côté du vrai débat
Et c'est précisément de ces discours-là, en particulier dans ce contexte, dont j'ai envie de vous parler aujourd'hui.

Pourquoi les réactions, typiques, que j'évoque ci-dessus sont tout sauf bonnes ?

*Parce qu'elles ne font qu'entretenir la "concurrence", entre les femmes quant à leur physique
Et que ça revient à huiler le mécanisme du patriarcat, qui a tout intérêt à ce qu'on se tire dans les pattes entre nous histoire qu'on oublie de se rebiffer contre le véritable responsable de notre mal-être, à savoir l'environnement ultra-sexiste, et consumériste, dans lequel nous évoluons.

*Parce qu'elles renforcent le clivage minces/rondes-maigres/grosses et que c'est contre-productif
Je ne cesserai jamais de le marteler, il ne s'agit pas de privilégier une "catégorie" aux dépens d'une autre, ni d'établir une "norme" entre les deux, car cela créerait tout simplement de nouvelles injonctions aux corps, de nouvelles formes de body shaming, de nouvelles raisons d'exclure arbitrairement des êtres humains du droit de vivre en paix avec leur reflet dans le miroir. Mais il est primordial en revanche de di-ver-si-fier les morphologies, origines, genres, âges et conditions physiques dans nos représentations collectives. On nous vend du gros bullshit casté, conditionné et photoshoppé, ouvrons les yeux : la beauté est multiple.

*Parce qu'elles n'apportent pas de positif et ne font qu'embourber le débat dans des clichés surannés
Non seulement ces réactions entretiennent le "modèle unique", trompeur et toxique, de représentations "idéales" des corps ainsi que tous les mécanisme patriarcaux ultra-violents qui maintiennent tout ça en place, mais en plus, elles nous font tourner en rond en nous détournant des vrais problèmes, et des vraies solutions. Et puisqu'on va par là, "interdire" des femmes "trop maigres" de défiler ne va pas arranger les choses comme on vient de le faire chez nous (clap clap, not), au contraire, cela va accentuer la tension que je décris dans les deux points précédents.



*** digression très "extrapolatoire" is coming ***



Prolonger le débat, vers la vraie source du problème
(attention, je vais partir trèèèès loin du sujet initial en relativement peu de lignes^^)

Le souci ne se situe donc ni dans la minceur, ni dans la maigreur, en soi (tout comme il y a des personnes "en surpoids" en parfaite santé, il y a des personnes très frêles qui le sont aussi, parce que l'IMC aussi c'est du vent, et quand bien même, la santé des gens ne concerne que ces derniers, j'y reviendrai dans un article dédié) mais dans le fait qu'un seul "type" de beauté "parfaite", ne soit représenté à grande échelle : mince, élancé, blanc, valide, jeune, hétérosexuel, cisgenre... Et surtout, dans la pression que nous subissons pour y correspondre coûte que coûte.

Et le débat va encore, et malheureusement, bien plus loin que ça.

À qui est-ce que tout ça profite ? Pas à celleux qui sont né.e.s pile poil avec les bons attributs et dispositions, si j'ose dire, parce qu'elleux aussi, finalement, ne se sentiront "jamais assez" ceci ou cela, malgré leurs avantages et privilèges. Non. C'est à la société patriarcale (= maintenir les femmes en état d'infériorité en les montant les unes contre les autres, "diviser pour mieux régner") et "blantriarcale" (=n'oublions pas que les personnes racisées vivent toutes ces injonctions deux fois plus lourdement que la "norme" blanche) et à son économie capitaliste (= consommer toujours plus de cosmétiques, de fringues de de marque taille 34,  de chirurgie esthétique, de produits et abonnements fitness sans parler de toute l'économie du régime/de la détox) que tout ça rapporte. Et voui voui, tout ça, c'est lié (coucou l'intersectionnalité des luttes).

"Si demain, les femmes se réveillaient en décidant qu'elles aimaient vraiment leur corps, imaginez seulement combien d'entreprises mettraient la clé sous la porte"


Voilà, en (très) gros, les tenants et aboutissants du culte du "corps parfait". (Je n'ai ni le temps, ni les épaules, ni les outils ni même l'envie à l'instant T de me lancer dans une analyse sociologique complète en 3658 pages^^)

Donc oui, on est d'accord, ce ne sont pas de petits moulins inoffensifs contre lesquels il s'agit de partir en guerre, on a du boulot pour encore bien des années pour déverser nos sacs de paillettes arc-en-ciel dans les rouages de leur mécanisme. Mais est-ce pour autant qu'on doit se résoudre à accepter un système aussi mensonger et aussi nocif ? Si tout le monde, à son échelle, commence déjà à questionner "la matrice" (j'aime pas dire "le système", vu le penchant extrêmement à droite des gens se revendiquant anti-système je pèse mes mots :3), la société telle quelle est actuellement, c'est déjà un très bon début.

En vrai, la déconstruction sociale c'est plus compliqué qu'une histoire de pilule rouge, même si la métaphore est chouette ;) Désapprendre toutes les "vérités" avec lesquelles ont a grandi prend du temps, il faut prendre le temps d'y aller pas à pas.

Je ne sais pas vous, mais moi, quand je me prends à rêver d'un monde où les corps, origines, genres, orientations sexuelles, âges, degrés de validité/handicap seraient représentés aussi diversement que dans la rue sur tous les supports publics... où le rythme des collections textiles serait ralenti pour pouvoir penser à toutes les tailles et ne pas faire fabriquer les pièces en exploitant la main d'oeuvre de pays lointains pour des clopinettes (dédicace à ma meilleure amie et son site, The New Wardrobe, spécialisé dans la mode éthique #slowfashion)... où on consommerait moins mais mieux une mode, plus créative (il me semble bien que c'est pour ça que notre cher Jean-Paul Gaultier s'est retiré du prêt-à-porter, d'ailleurs) et respectueuse de l'environnement et qu'au passage, l'industrie cosmétique suivait cet exemple en sublimant toutes les beauté.e.s sans injonctions... où l'on pourrait tou.te.s se trouver belles et beaux sans avoir à souffrir et se comparer aux autres pour essayer de correspondre à un modèle ultra-restrictif... ben, non, je ne trouve pas que ce soit du délire, ni que ce ne soit pas atteignable. Déso.

Et pour faire de cette utopie (sans patriarcat, blantriarcat ou économie capitaliste, entre autres, je peux extrapoler facilement, mais y'a des limites^^) une réalité, réfléchir à l'intelligence, la bienveillance et la portée de ses propos face à la dénonciation des dérives du modèle en place serait déjà, croyez le ou non, un grand pas en avant.







jeudi 4 septembre 2014

La Minute Ronde #3 : Opposer les "rondes" aux "minces" n'est pas la solution.


Non au size shaming, oui à la size acceptance... et plus globalement, halte au modèle unique de beauté qu'on nous vend. Oui, on nous le vend.

La semaine passée, en postant mon article (et surtout mes photos) #fatkini j'ai été très agréablement surprise du nombre de retours que j'ai eus et surtout, de constater qu'ils n'étaient que positifs, exempts de tout trollage haineux. 

Malgré tout, j'avais envie de refaire un article sur le sujet, en constatant également que parmi les adorables commentaires qui revenaient un peu partout, on me disait "ton corps est harmonieux". Ben... merci, sincèrement merci pour vos gentilles paroles et bonnes intentions. Ravie de l'apprendre et effectivement, tant mieux pour moi. Mais quand bien même, mon corps ne serait pas harmonieux... so what ?

Ce que je voulais dire en participant à ce petit mouvement de dé-fat shaming-ation (vive les néologismes, surtout mêlés d'anglicisme !) c'est surtout que beau, ou laid (ce qui est encore bien subjectif, standards ou non)... on a juste le droit d'exister, de se montrer, de vivre sans subir de jugements de la société, des gens. 

Apparemment, c'est beaucoup demander à ce monde, quand je vois par exemple qu'une jeune américaine, enveloppée, s'est fait supprimer son compte Instagram après avoir posté un selfie en bikini d'elle. Là où les clichés de corps "dans la norme" passent, toute cette peau exposée sur une silhouette comme la sienne devient... indécente.

Bref, ce que je voulais dire... c'est que ce travail que j'essaie de faire sur moi-même et sur le regard que je porte sur tous ceux que je croise (cela fait plus d'un an maintenant que quand je vois quelqu'un et que je me dis qu'il est "moche", je me force de suite à trouver un détail positif sur son physique ou sa manière d'être, je refuse d'être comme ça... j'apprends à déconstruire cette sale habitude qui est plus socialement construite que naturelle je pense, tout comme le sexisme, en fait^^) va au delà de la beauté évidente, moins évidente ou pas évidente du tout. 


C'est du droit de ne pas être réduit juste à son corps en tant qu'individu par rapport à un standard imposé, du droit d'aimer la seule vraie maison que l'on aura toute sa vie pour soi quelle qu'elle soit, dont je parle.



© Diglee / Maureen Wingrove


Autre point, puisque l'on va par là, c'est une discussion qui est beaucoup revenue chez moi, avec différents interlocuteurs, depuis ce week-end. Le fait que lorsque l'on veut "défendre" "les rondes", on tape systématiquement sur "les minces". On en parlait avec Maureen, après une séance de pose et dessin chez moi (d'où l'illustration de mon article ;) ), au vu des réactions sur son compte Instagram qui ont immédiatement validé l'idée du "nan mais dessiner des rondes c'est tellement plus intéressant/plus beau". Pourquoi toujours comparer et opposer deux types de beauté... incomparables ?! (Et c'est parce que je l'ai bêtement, ne me trouvant pas d'autres "excuses", fait par le passé que je le déplore encore plus aujourd'hui)

Cela s'est aussi vérifié lorsqu'une très bonne amie (et ce totalement innocemment) a partagé un meme "Hommage à toutes les femmes qui ont quelques formes... De toutes façons il n'y a que les chiens qui aiment les os" pour célébrer ses rondeurs avec lesquelles elle s'était réconciliée après sa grossesse. Non seulement c'est mauvais de taper sur les unes pour défendre les autres mais en plus c'est carrément sexiste et hétérocentré. Le même jour, je prends part à un débat sur le dernier titre de Nicki Minaj qui scande "fuck thoses skinny bitches", certes dans un contexte de contre-attaque par rapport aux remarques qu'elle prend sur son popotin très rebondi mais pas plus excusable pour autant...

Je ne peux pas me résoudre à dire que le skinny shaming est exactement le même problème que le fat shaming, car les filles les plus sveltes sont quand même moins éloignées des canons de beauté que l'on exige de nous et donc, subissent quand même moins de remarques. Mais "moins" ou "plus", ce n'est pas le problème, ce sont deux branches d'un seul et même problème. Et c'est juste... inacceptable. POINT.

On est trop grosse : on doit faire un régime. On est trop mince : on doit manger... Déjà, on ne doit rien à personne. Question de santé ou de beauté peu importe, cela nous appartient à nous et à nous seuls. Si on arrêtait 5 minutes de faire la guerre pour déterminer un seul modèle unique de beauté (et pas que, mais c'est un autre débat) et que l'on s'accordait une bonne fois pour toutes à accepter et comprendre que le beau est multiple, varié, surprenant, changeant ! Et ce n'est pas valable que pour la la taille et le poids, c'est valable pour tout.


Pour beaucoup ces propos sont probablement utopiques. Pourtant, à voir les initiatives, notamment sur les réseaux sociaux de femmes (il y a, il me semble, moins de manifestations de la sorte chez la gent masculine mais le problème du modèle unique s'applique bien évidemment aux hommes aussi...) qui célèbrent leurs corps changé par la maternité, abîmé dans une bataille cancer du sein, leurs tâches de rousseur, leur visage sans maquillage, leurs vergetures, leurs tatouages... On voit apparaître des projets photo célébrant les roux, les personnes handicapées, les différents types d'épilation du maillot (autres que la "recommandée" épilation intégrale) bref, tout ce que la société tente de gommer est en train de réapparaître pour être à nouveau apprécié, admiré et aimé. Les temps changent, il serait temps que les médias, les marques et leurs publicité s'en rendent compte. La beauté est multiple... (et aussi subjective, optionnelle et peu importante dans une vie, au final !)

Ce travail pour ouvrir les yeux, sortir de ces œillères avec lesquelles on a grandi, commence par soi-même. En essayant de m'aimer telle que je suis j'apprends à être tout aussi tolérante avec autrui. Beaucoup s'interrogent sur cet avenir que je me suis choisi dans la presse féminine, qui véhicule beaucoup de ces images toxiques que je critique à cet instant précis, en tant que féministe et en tant que ronde qui a fait les frais de ce système... Justement, je veux pouvoir contribuer à la changer de l'intérieur. Cette année, j'ai tenu la rubrique beauté du site d'un grand magazine féminin et j'ai relayé toutes ces belles initiatives mentionnées plus haut, j'ai refusé de promouvoir les régimes et on m'a laissé véhiculer des messages plus positifs pour les lectrices. Il est possible de changer tout ça, mais cela demande du temps, de la patience, et que l'on s'y mette tous.

Pour finir, j'ai envie de vous présenter quatre de mes héroïnes d'inspiration, ces "freaks", sublimes, touchantes et courageuses, aux physiques hors normes qui bravent toute la haine de ce monde et osent vivre sans peur leur différence... en espérant qu'elles aussi, puissent vous inspirer et vous faire relativiser comme elles l'ont fait pour moi :)

Lizzie Velasquez




Melanie Gaydos




Jes Baker, aka The Militant Baker



Chantelle Brown-Young aka Winnie Harlow




Pardon pour le pavé, mais il le fallait, encore plus que pour mon billet #fatkini :)



Militante pour un monde plus tolérant et aimant-ement vôtre,




Olga