Bien sûr, la distribution des places était basée sur le principe de "premier arrivé, premier servi". Logique. D'où "la folie" évoquée plus haut, rapport à la queue de Pologne et aux maux de jambes, pattes et dos. Mes amis Stéphanie et Sébastien m'ont accompagnée. Nous sommes arrivés vers 11h30 pour une distribution des places à 13h, la pièce démarrant à 14h, en se disant que c'était bien tard. Étrangement, ça ne l'était pas. Il ne devait y avoir "que" 250 à 300 personnes devant nous (estimation de la police et non des syndicats :3 ) et on a compris que ce n'était pas peine perdue.
Certains, comme pour un concert de Lady Gaga ou de Johnny (ciel que cette comparaison me pique le bout du clavier, mais c'est pour illustrer) étaient là depuis... Longtemps. Chaise pliante et tout. J'avoue que si j'avais été seule, j'aurais peut-être tenté le coup pour être au premier rang, moi aussi. Nous, nous nous sommes simplement contentés d'un petit pique nique debout, fort agréable. Perturbé par l'apparition presque magique d'un Guillaume Gallienne, souriant et "casual", traversant la queue pour se rentre au théâtre ! Le sang de la groupie adolescente en moi n'a fait qu'un tour. C'est réel, je vais le voir sur les planches...
À partir de 13 heures tapantes (ce que j'apprécie la ponctualité, merci encore ô Comédie Française), nous avons commencé à avancer vers l'entrée. Vingt petites minutes plus tard, nous étions assis au premier balcon de cette salle mythique, chargée d'histoire, luxueuse, baroque, opulente, lumineuse... Nous mesurons notre chance et attendons avec impatience le lever de rideau. Juste avant le début de la pièce, entre en scène une femme, comédienne sans doute, qui exprime son soutien à la cause des intermittents du spectacle au nom de toute la troupe sous un tonnerre d'applaudissement.
On ne sait pas à quel point ces derniers sont pour le message politico-social ou parce que la pièce va bientôt commencer, mais quel écho dans ce théâtre... Lever de rideau, la pièce commence. La première scène se déroule à Venise, les acteurs sont masqués et clament leurs répliques avec force, et élégance. On a l'impression d'être revenus des années en arrière. Pour moi qui ai plutôt l'habitude du théâtre "de boulevard", façon Vaudeville, c'est très nouveau. J'avoue avoir eu peur un instant de m'endormir dans ce confortable siège, puis je me prends au jeu des acteurs, à l'histoire qui commence à se dessiner.
Puis, Guillaume Gallienne, ou plutôt Lucrèce Borgia, fait son entrée. Il marche avec une fluidité que je ne connaissais encore à aucun être humain sur les planches que des figurants posent devant lui, sur des tabourets. Il paraît flotter au dessus du sol. Incroyable. Après quelques instants totalement hors du temps, le personnage se révèle, et l'intrigue avec. Lucrèce, détestée par toute l'Italie, se cache. Elle vient voir son fils de vingt ans, qui ne sait pas qu'elle est sa mère mais à qui elle écrit tous les mois depuis des années. Il dort, elle le regarde avec tendresse, s'extasie de sa beauté, et souffre du fait qu'il ne puisse jamais l'aimer...
Le reste de l'histoire, je ne vous le conterai pas. Lisez la pièce, allez la voir sur scène. Vraiment. Dans tous les cas, comme vous pouvez l'imaginer, c'est un drame. Un vrai. Les enjeux sont graves pour ces personnages imaginaires (Victor Hugo a "quelque peu" modifié la vie de la famille Borgia dans son œuvre) mais les émotions dans les voix (surtout Guillaume, sorry !) et les yeux de leurs interprètes sont bien réelles. Quelle passion, quelle rage, quel désespoir. Je n'ai jamais autant frissonné au théâtre. Jamais. Et pourtant j'ai aussi eu la chance de voir Danielle Darrieux dans Oscar et la Dame Rose il y a quelques années, c'est dire.
Les deux heures et demi de la pièce s'écoulent, sans entracte et sans que nous les ayons vu passer. La fin n'est pas heureuse, il va sans dire. Mais quelle beauté, quelle belle tragédie ! La salle est debout, hurle "bravo", applaudit à s'en faire mal aux mais (je sais de quoi je parle). Les comédiens semblent aussi émus que surpris de cette standing ovation qui n'en finit pas, clôturant presque les représentations de Lucrèce Borgia (le 20 juillet, la programmation du théâtre change) à la Comédie Française.
Nous chantons la Marseillaise avec eux, les applaudissements repartent de plus belle. La salle entière est touchée. Elle peine à revenir à la réalité lorsque le rideau se baisse pour de bon, et que les lumières se rallument doucement. Nous sortons, joyeux malgré les évènements tragiques joués à l'instant sous nos yeux, émerveillés et incroyablement enthousiasmés par le jeu extraordinaire de cette troupe de renommée... Guillaume a brillé, au delà de mes espérances, mais j'ai également découvert de très bons acteurs à ses côtés. Heureusement que j'ai gardé le programme, pour une fois, non seulement je vais pouvoir le faire autographier mais en plus il me permet de découvrir leurs noms, pour les suivre.
Groupie un jour, groupie toujours, je fais subir à mes compagnons du jour quelques minutes de plus à attendre devant le théâtre, et plus précisément, devant son entrée de service. Je souhaite saluer l'artiste, et lui demander un autographe ainsi qu'une photo, s'il veut bien. Nous ne sommes pas seuls c'est vrai, mais bien peu j'ai l'impression. Nous comprendrons plus tard que la majorité des "fans" du jour attendait à la mauvaise sortie (too bad...). Et ce n'est pas plus mal, l'acteur ne semble pas très à l'aise avec la foule (comme je le comprends) et sa femme Amandine l'attend à côté.
D'autres avant moi lui demandent une photo, il refuse poliment en disant qu'il n'aime pas trop ça mais signe les autographes avec plaisir. Quand vient mon tour, je demande un petit mot pour ma mère et moi, car je lui ai fait découvrir Les Garçons et Guillaume à table, et qu'elle a adoré autant que moi. Il me demande comment on écrit "Oxana" en lettres latines, prenant l'accent (il a des origines slaves) mais je n'ai pas le temps de bavarder plus car un groupie "relou" pas très poli monopolise la parole sans respecter mes quelques petites secondes "de gloire".
Il avait pourtant déjà eu son autographe, et il se permet de le tutoyer. Je détourne la tête de mon programme en train d'être dédicacé pour balancer un regard en mode "really, dude ?", à cet effronté, mais rien ne l'arrête. Je remercie Guillaume et lui dis que je reviendrai le voir, ce que je ferai, et m'éloigne... Je ne lui pose pas la question de la photo, j'ai bien compris, et je regrette que ce ne soit pas le cas de tout le monde dans le petit cercle qui s'est formé autour de lui. Je le plains, et je m'en veux presque d'avoir participé à cet assaut d'amour non sollicité^^
Un peu dégoûtée tout de même du comportement du "relou" du jour, je n'ai même pas regardé ce que Guillaume m'avait écrit. Je le découvre quelques instants plus tard : il a adorablement fait un clin d'oeil à mes origines, car je lui ai dit que ma mère vivait en Russie, il a tenté un "spasibo bolshoe" (merci beaucoup), et c'est vraiment adorable de sa part ! Je range soigneusement mon trophée et m'en retourne, un peu éhébétée, à la vie normale. Encore merci pour ce grand moment de théâtre, et cette délicate intention. À bientôt Monsieur Gallienne, je l'espère !
Allez, j'espère ne pas trop vous avoir barbés avec mon récit, et vous dis à demain pour un retour aux futilités usuelles.
Groupie-ement vôtre,
Olga
une pièce que j'aurais bien aimé voir!
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