Bonjour à toustes ! Il est vrai que je me fais rare par ici — les quelques moments de concentration suffisante pour écrire, je les emploie à divers projets de livres depuis maintenant 4 ans... Mais j’ai quand même souvent tendance à revenir pour les festivités de fin d’année, afin de soutenir mes adelphes adipeuxes face aux micro-agressions et autres agressions grossophobes caractérisées que nous subissons particulièrement fort durant cette période.
J’ai donc, au fil des ans, écrit une petite collection de divers « guides de survie » pour les personnes grosses en milieu festif hostile. Mais en cette fin 2023, je n’ai plus le temps des culs nous déshumanisent et refusent d’écouter ce que les militant·e·s anti-grossophobie répètent inlassablement, tous les jours, depuis maintenant des décennies.
Aussi, au lieu d’une fois de plus essayer de trouver des techniques pour souffrir le moins possible des injonctions contradictoires et autres idées reçues, propos et actes grossophobes des minces, je me suis dit que j’allais changer de stratégie. Cette année, on va les éduquer elleux, car iels en ont bien besoin. On va leur dire concrètement ce qu’il faut arrêter de faire, ce qu’il faut s’atteler à déconstruire s’iels prétendent réellement être des allié·e·s contre la grossophobie, ou souhaitent sincèrement le devenir... C’est parti !
1) Si vous avez des personnes gros·ses à table pour les fêtes, pensez tout d’abord à l’accessibilité de la dite tablée : évitez d’aménager un espace navigable seulement par fax, et prévoyez des chaises solides, sans accoudoirs. Ça peut vous paraître futile, puisque ce n’est pas un souci que vous rencontrez au quotidien, mais si vous saviez seulement combien on SOUFFRE en silence, en essayant de rester dignes, dans vos soirées... Vraiment, faites un effort.
2) Si vous n’avez pas de personnes gros·ses à table :
a - Ce n’est pas une raison pour dire ou laisser dire les horreurs grossophobes de saison (on y revient plus bas)
b - S’il s’agit de votre cercle d’ami·e·s et non de votre famille de sang... Questionnez-vous sur l’absence de gros·ses dans vos proches. Y en a-t-il eu mais qui se sont éloigné·e·s ? C’est sans doute à creuser. S’il n’y en n’a jamais eu... Posez-vous très sérieusement la question de leur absence au sein de vos relations amicales et/ou amoureuses.
3) Ne parlez pas de sa prise/perte de poids de quelqu’un·e. À moins qu’iel ne se lance ellui-même dans des explications, bien que ce ne soit vraiment pas le meilleur moment de l’année pour ça. Certain·e·s prennent du poids et en sont content·e·s. D’autres en perdent et le vivent mal (coucou moi y’a un an qui a perdu 10 kilos en un mois avec un énorme pic de dépression, par exemple, j’ai encore du mal à me sentir tout à fait moi- même aujourd’hui). Bref, arrêtons de faire du poids des gens un sujet, ça ne l’est pas !
4) Oubliez à jamais vos recherches de compliments sur le dos des gros·ses quant à vos tenues de soirée. En période de fêtes ou non, juste, les « tu trouves pas que cette robe me fait un gros cul ? », les « j’ai mangé que du céleri pendant 3 semaines pour rentrer dans ce
pantalon » et autres « nan mais sur toi, c’est pas pareil-han » c’est non. Supprimez ces commentaires merdiques de programmation, merci.
5) Ne commentez pas le contenu des assiettes des autres, le fait qu’iels se resservent, en quelle quantité, à quelle fréquence, ou non. Et quel que soit leur tour de taille d’ailleurs ! Avant même d’être grossophobe, c’est tout simplement un grand manque de délicatesse et d’éducation.
6) Rangez-vos « blagues » sur la grosseur et le régime à leur juste et permanente place à savoir... dans la poubelle ! Exit les comptages intempestifs de calories, les « j’ai mangé comme un·e gros·se », les « à partir de demain c’est salade », « on va aller deux fois plus à la salle pour brûler tout ça » et compagnie. Cela constitue une atmosphère toxique pour TOUSTES, pas que les gros·ses. Parce que si la grossophobie les impacts effectivement elleux, le culte de la minceur fait du mal à tout le monde, puisque c’est ce qui crée les TCA (troubles du comportement alimentaire) et, en fin de compte, la grosseur, car 95% des régimes se soldent par un échec... et qu’être au régime tout le temps, c’est bien un TCA. Juste, kiffez votre repas, complimentez lae chef·fe, profitez de la compagnie de celleux que vous aimez. On est là pour ça, en fait.
7) Si vous n’arrivez pas à finir votre assiette : démerdez-vous pour que votre éventuelle demande d’aide ne fasse pas se sentir les gros·ses comme vos poubelles de table. Si vous avez eu les yeux plus gros que le ventre, c’est OK, ça arrive. Rien de mal à attendre que ça passe un peu, de laisser de côté, de demander à emporter les restes. Rien de mal non plus à solliciter la solidarité de votre tablée, évidemment. Mais que la demande soit générale, sans désigner une personne grosse du regard, sans pression sur qui que ce soit. Ce genre de situation nous arrive souvent à nous autres gros·ses et que l’on accepte ou que l’on refuse, c’est extrêmement humiliant pour nous.
8) De la même manière qu’il est nécessaire de reprendre Karen la raciste et Jean-Mi le misogyne, si vous voulez vraiment être des allié·e·s de la lutte contre la grossophobie, ne laissez-pas passer les propos ou actes grossophobes. Intervenez, expliquez. Vous avez le privilège d’être mince, on ne vous accusera pas d’être biaisé·e — true story. Et ce, aussi bien à un dîner de réveillon qu’à la machine à café au boulot.
9) Lisez les différents guides de survie en période de fêtes écrits par et pour des personnes gros·ses afin de comprendre à quel point cette liste qui peut paraître vous paraître bien anodine est cause de souffrance réelle pour nous. Et plus généralement, suivez des personnes gros·ses qui expliquent ce qu’est la grossophobie, qui font de la pédagogie sur le sujet.
10) Question cadeaux : n’offrez pas de kits « détox », minceur etc, ni aux gros·ses, ni aux minces. C’est de l’arnaque. C’est passif- agressif, ça contribue à alimenter une culture violente. À la place, offrez (et lisez vous-même) des livres écrits par des personnes grosses et qui font de la pédagogie sur le sujet. Comme par exemple : Gros n’est pas un gros mot de Daria Marx et Eva Perez Bello, Je suis votre pire cauchemar de Kiyémis, Fière d’être moi-même de Gaëlle Prudencio, Coup de gueule contre la grossophobie ou Mon corps en désaccord d’Anne Zamberlan, T’as un joli visage : mettre fin à la grossophobie de Shérazade Leksir, Grosse, et alors ? Connaitre et combattre la grossophobie d’Edith Bernier On ne naît pas grosse de Gabrielle Deydier etc etc etc !
Voilà. Bon travail sur vous-mêmes les minces, à vous de faire le boulot maintenant… et belles fêtes à Toustes, et particulièrement mes Gros•ses sûr•e•s, j'vous aime, je suis avec vous ❤️
Bon. Ça faisait longtemps que je n'avais pas posté deux articles aussi rapidement à la suite, et encore plus longtemps que je n'avais pas rebondi sur une actualité... Mais il faut croire que cette vidéo sur laquelle je suis arrivé·e par hasard dans une story, au travail, aura réussi à réveiller la bonne vieille colère qui sait si bien animer mon clavier. Si la curiosité ne l'avait pas emporté, j'aurais pu laisser couler, mais je me doutais, rien qu'au titre, que j'allais grincer des dents, et bon sang, je n'ai pas été déçu·e.
Marie Lopez, plus connue sous le pseudonyme d'EnjoyPhoenix, dit en intro s'être beaucoup intéressée au sujet de la body positivity, avoir suivi les bails depuis un moment. Mais, durant 24 longues minutes où elle se répète beaucoup et reste très en surface des problématiques du mouvement body positive, on voit quand même que —surtout lorsqu'elle prétend faire l'historique de la body positivity— que ça n'a pas dépassé la recherche Wiki, ni son horizon Instagram, de si loin que ça.
Certes, il y a des points intéressants qui ont été soulevés, bien que maladroitement : la récupération du body positive par les personnes normées et les marques, ainsi que l'injonction sauce positivité toxique à s'aimer. J'y reviendrai aussi, tout en déconstruisant tout ce qui a été, si gauchement (mais clairement pas assez à gauche), amené par la youtubeuse. Pour y voir plus clair, je vous propose d'y aller point par point, histoire de me canaliser, sinon, on n'a pas le cul sorti des ronces tellement j'ai à dire...
Les origines du mouvement body positive remontent à bien avant les années 90
EnjoyPhoenix cite Elizabeth Scott et Connie Sobczak comme unique fondatrices du mouvement body positive en 1996. Mais c'est méchamment faire l'impasse sur le travail des activistes gros·ses qui ont milité sur la question de l'acceptation et du respect des corps gros dès les années 60 ! Notamment, Lew Louderback et son essai intitulé “Plus de gens devraient être gros” en 1967, fondement de la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA), en 1969. Ou encore les "maxi sirènes" qui ont proposé des séances de piscine entre grosses dans les années 80 en Californie. Sans parler de tout ce qu'il s'est passé en France sur le sujet de la fat acceptance, par exemple le travail de l’association française Allegro Fortissimo, fondée en 1986 par la comédienne et autrice Anne Zamberlan —à qui l’on doit le terme “grossophobie” ! Pourquoi une telle précipitation après nous avoir dit que t'as bossé le sujet à fond, quand des millions de personnes te suivent ?
D'ailleurs, si le mot "grosse" a été utilisé, en précisant que c'est un "un fait et non une insulte" (on eût été opportun de simplement dire "adjectif", ou citer Gros n'est pas un gros motde Daria Marx et Eva Perez-Bello) et que même "patriarcat" a été lâché... aucune trace du mot grossophobie, sur toute une vidéo qui parle du mouvement body positive et ses origines. Le ton est donné.
C'est au début des années 2010 que le mouvement body positive a gagné en visibilité grâce aux réseaux sociaux
Pour résumer l'historique qu'a fait EnjoyPhoenix du body positivisme, on passe des années 90 à nos jours, à l'ère des réseaux sociaux. Alors déjà, il s'est passé énormément de choses entre temps, notamment ce tout petit truc que l'on appelle la quatrième vague de féminisme, sachant que les enjeux body positive sont intrinsèquement féministes. Et ensuite, entre 2012-2014 — quand le mouvement body posi a vraiment commencé à prendre de l'ampleur sur internet puis la pop culture— et 2022... il s'est quand même écoulé une petite dizaine d'années très mouvementées. On n'est pas passé·e·s de "le body positive c'est trop cool" à "merde, ça a été récupéré et vidé de son sens par le capitalisme" en un claquement de doigts ! Encore des approximations, qui font qu'on passe à côté d'un propos qu'il aurait été réellement intéressant de développer.
Le mouvement body positive actuel n'est pas que pour les gros·ses, les cicatrices, l'acné et les vergetures
Dans sa définition du mouvement body positive, EnjoyPhoenix dit que c'est pour tous les corps que l'on pourrait considérer comme présentant des "défauts" par rapport à la norme. Alors oui, mais c'est super incomplet. La norme n'est pas juste mince et lisse, elle est aussi : blanche, valide, cisgenre, dyadique et éternellement jeune. Donc ne parler que de surpoids/obésité, de vergetures, de cicatrices et d'acné est extrêmement réducteur. Si ce mouvement, revendicatif et politique, a émergé grâce aux gros·ses qui en avaient marre de se faire violenter, il rapidement mué en quelque chose de très intersectionnel, concernant également les personnes racisées, les personnes handicapées et en situation de handicap, les personnes trans et intersexes, les personnes âgées, les personnes malades.
Pas étonnant, bien que très rageant, de voir que dans sa vidéo, la seule militante réellement mise en avant soit Julie Bourges (@douzefevrier). Certes, elle a beaucoup de choses à dire sur son rapport au corps en tant que grande brûlée et elle a fait, et continue de faire, beaucoup de bien en prenant la parole à ce sujet. C'est indéniable. Seulement, elle reste une femme cishétéro, blanche et mince. Les seules personnes hors de ce moule là que l'on voit apparaître à l'écran sont majoritairement issues de vidéos de stock gênantes, comme s'il était physiquement impossible de parler de Stéphanie Zwicky, Gaëlle Prudencio, Barbara Butch, David Venkatapen ou Yseult parmi les militant·e·s indispensables au body positive en France !
Désolé·e, mais impossible de voir ça comme de simples oublis, ni même comme de la précipitation. Il s'agit d'une méconnaissance flagrante du sujet... ou de beaucoup de mauvaise foi ? C'est quand même une gymnastique intellectuelle incroyable, ces absences, dans une vidéo qui prétend critiquer la manière dont les personnes normées ont volé le bodyposi aux moches et aux marginalisé·e·s.
Les « figures de proue » du mouvement body positive ne sont pas des influenceuses
Allez, là, je vais faire court pour que vous puissiez souffler deux secondes : EnjoyPhoenix ne cesse de parler "d'influenceuses" body positive, et c'est bien l'un des problèmes qu'elle prétendait vouloir dénoncer. La mouvement body positive, né de l'activisme anti-grossophobie puis renforcé par le féminisme intersectionnel, est éminemment POLITIQUE. On s'y bat contre des OPPRESSIONS SYSTÉMIQUES (vous savez, ces tous petits trucs que sont le racisme, les LGBTQIphobies, la grossophobie, le validisme, l'âgisme....). Ses porte paroles sont des MILITANT·E·S.
Le mouvement body positive est bien plus qu'apprendre à « s'aimer soi »
Le body positive c'est certes, en grande partie, déconstruire les injonctions faites aux corps et l'absurdité des normes qui leur sont imposées, et donc apprendre à se réconcilier avec soi-même après des années de d'auto-détestation causées par l'impossibilité de cocher tous les bons critères pour être un être humain digne de respirer. Mais c'est aussi apprendre à aimer les autres : poser sur elleux un regard exempt de ces filtres et se battre pour les DROITS de toustes au respect, à l'intégrité et à la paix ! Réduire le mouvement bodyposi au seul concept de self love est justement ce qui le transforme en une énième mode de développement personnel, assimilable par le capitalisme... qui se nourrit justement des normes (coucou, ceci est un énième rappel que l'industrie de la minceur pèse plusieurs milliards d'euros et que c'est normal, car plus de 90% des régimes échouent mais qu'on continue de nous en vendre de nouveaux à longueur d'année).
Le body positive « n'interdit » pas de changer son corps mais il est incompatible avec la culture du régime
Pour faire écho à la fin du paragraphe précédent, j'en viens à cette partie de notre mise au point qui n'est pas plaisante à entendre pour encore beaucoup. Non, certes, le bodyposi n'est pas censé être source de contre-injonctions et de contre-normes. Épilation, chirurgie esthétique, sous-vêtements sculptants etc ne sont pas incompatibles avec ce mouvement, car on survit comme on peut dans un milieu hostile. En revanche, on encourage les individus à faire leurs propres choix pour leur gain de paix en pleine connaissance de cause : s'épiler ou bien se faire faire un lifting n'est pas faillir, mais il est primordial de reconnaître que l'envie d'y recourir vient d'un système oppressif et non de "préférences personnelles". Il s'agit juste d'avoir conscience de ça. Cependant, la question de la perte de poids, c'est autre chose.
Le body positive descendant de pionnièr·e·s de la lutte contre la grossophobie, c'est incompatible avec toute forme de soutien à la culture du régime, même lorsqu'on la rebaptise "rééquilibrage alimentaire", "healthy" ou "détox". C'est justement en acceptant ces compromis qu'on s'est retrouvé dans la situation actuelle, et que les fitgirls se font du beurre sur le hashtag #bodypositive pour continuer de nous vendre du mal-être, habilement (mais pas assez) repackagé 👇
(Mon commentaire sur cette merde, écrit en 2018, ici)
Pour autant, je précise pour finir ce point, hors de question de faire chier les gros·ses qui ont accepté la chirurgie bariatrique qu'on leur propose si facilement aujourd'hui, ou qui tentent un trouzemillième régime : on subit des violences quotidiennes dans ce monde pensé par et pour les minces, et on fait plus ce qu'on peut que ce qu'on veut pour y rester en vie, même lorsqu'on connaît les rouages du système.
Personnes normées et mouvement body positive : un peu de nuance (et de décence) ?
Durant les premières secondes de cette vidéo, il y a une part de moi, naïve, qui pensait qu'on s'épargnerait au moins cet écueil-là... mais non : une fois de plus, une personne mince, blanche, valide, dans les canons de beauté, se plaint qu'elle n'est pas bienvenue dans le body positive — tout en critiquant le fait que des personnes normées se l'approprient, vraiment, je ne comprends pas la logique. Mais en tout cas, belle illustration du propos : quand les non-concerné·e·s se mêlent d'une lutte où leur place est celle d'alliée, au fond, elles la dévoient.
Personne ne dit que les personnes normées ne souffrent pas des injonctions au corps, car, surtout si on est femme ou perçu·e comme telle, on ne sera jamais assez sous le règne du patriarcat capitaliste. Ce que les personnes non-normées, notamment les gros·ses et les racisé·e·s, disent sur le mouvement qu'elles ont créé, c'est que c'est quasiment l'unique plateforme qui est par et pour elles, et qu'il est indécent que les personnes normées, à qui le tapis rouge est déroulé partout ailleurs, s'en emparent. Ce n'est pas parce que, après des années de lutte et de pédagogie, on voit un peu plus de mannequins et autres représentations moins standardisées (mais pas trop) à gauche et à droite que le paradigme s'est inversé, il faudrait voir à ne pas trop exagérer, hein, au bout d'un moment.
Nos messages vous parlent ? Ça vous fait du bien de nous voir ? Ça fait avancer votre réflection de nous écouter ? Mais tant mieux, c'est pour ça qu'on s'expose au harcèlement quotidien des réseaux sociaux ! Donc continuez de nous suivre et surtout de nous soutenir, d'amplifier nos paroles : en ça, vous êtes bienvenu·e·s dans le mouvement body positive. Mais pour en devenir les porte-paroles, c'est, et ça restera, un grand non.
Les « t'es courageuse-han » ne sont PAS des compliments
Une partie de la vidéo d'EnjoyPhoenix qui m'a vraiment énervé·e, c'est lorsqu'elle s'est plainte que sous les photos des meufs non-normées, il n'y aurait que des encouragements alors que sous celles des meufs normées-mais-complexées, rien de tel mais par contre des remarques désobligeantes. Alors déjà, j'aimerais avoir des chiffres pour une telle affirmation ?! Je ne peux pas parler pour toustes mes adelphes fat activistes, trans et non-binaires, mais personnellement, à chaque photo j'ai des trolls à gérer : des insultes, des moqueries. Certes, ce n'est pas visible car je supprime la majorité de ces commentaires et ne laisse que ceux où j'ai la répartie inspirée, ou parce que ça se passe en message privé. Mais quid des fréquents harcèlements que l'on subit quand on choisit de prendre la parole sur les espaces d'internet ? Des photos qu'Instagram ou Facebook nous supprime arbitrairement, alors que des photos similaires de personnes normées sont toujours en ligne ? T'es où dans ces moments-là pour t'indigner, Marie ?
Ensuite, vraiment, meuf... ne nous envie pas pour les "ohlala t'as trop de courage de te montrer comme ça, bravo", parce que ce ne sont PAS des compliments. C'est l'expression de grandes insécurités projetées sur nous par des personnes normées, la plupart du temps, parce que parfois, ces mêmes gens bien si intentionnés complètent leur propos par "moi je ne pourrais jamais" ou "j'en mourrais", hein. Donc pour les bonnes vibes, on repassera. D'expérience, certain·e·s personnes privilégiées laissent ce type de réactions comme leur BA de l'année, mais ne remettent absolument pas leurs biais grossophobes à elles... Et on en a marre, tellement marre, d'être leur inspiration porn (j'en ai déjà parlé ici, aussi). On voudrait juste pouvoir vivre en paix, comme tout le monde, et pas qu'on nous "félicite" de survivre depuis une tour d'ivoire, sans la moindre intention de démanteler ce système qui nous fait toustes souffrir. La glorification de la résilience à notre endroit est une douleur. Et puis, tu les veux aussi les violences médicales, les discriminations à l'emploi, l'inaccessibilité de l'espace public et l'isolement affectif qui vont avec nos diverses monstruosités, ou juste les "compliments" ? Cette chouinerie était particulièrement insupportable à subir.
Body neutrality VS body positivity : oui pour la continuité, non pour la définition !
EnjoyPhoenix conclut sa vidéo en disant que le concept de body neutrality, ou neutralité corporelle, lui convient finalement mieux, face à la positivité toxique charriée par le mouvement body positive tel qu'il a été récupéré (critique 100% légitime). Seulement, elle décrit la body neutrality avec beaucoup d'approximation, là encore, et surtout, des informations erronées. En gros, elle place la différence entre ces deux mouvances, étroitement liées, dans le fait que la body neutrality lui permet d'avoir de mauvais jours et de ne pas se sentir au top à chaque seconde. Sauf que ça, ça fait justement partie du mouvement body positive, de base. C'est avoir bien mal suivi les propos des différent·e·s activistes bodyposi qui, depuis des années, se livrent quant à cette difficulté, l'analysent, rassurent leur communauté, et parlent énormément de santé mentale en lien avec ça, justement ! La body neutrality, qui est un positionnement que je respecte et encourage autant que la body positivity, c'est se fixer comme "objectif" d'avoir une relation neutre à son corps : ni enthousiasme excessif, ni détestation profonde. Et c'est aussi remettre en question la question du self love qui a fini par prendre toute la place avec la récupération du body positive par les personnes normés et le capitalisme.
Pour moi, body positive et body neutral sont simplement deux versants de la même montagne à gravir, car oui, changer la relation que l'on a appris à entretenir avec soi-même dans un environnement qui nous encourage à nous haïr est un combat quotidien. Les deux ont pour but, très simple : la libération de tous les corps !(d'ailleurs, de nombreuxes activistes fat positive, racisé·e·s, handi·e·s et LGBTQI ont investi les hashtags #fatliberation et #bodyliberation depuis longtemps, si jamais vous voulez éviter les espaces pollués par la récupération, vous pouvez vous y rendre)
Le mouvement body positive est RADICAL. En visant cette libération des corps, il faut bien comprendre qu'y adhérer c'est : soutenir le droit à l'avortement, les femmes voilées et les travailleureuses du sexe, s'engager pour l'interdiction des mutilations imposées aux personnes intersexes, l'émancipation des personnes handicapées face à des politiques infantilisantes et les transitions libres et gratuites pour les personnes trans et non-binaires, remettre en cause ses biais âgistes et être actifves dans la lutte contre le racisme !
Voilà, merci à celleux qui sont arrivé·e·s jusqu'ici, c'était long, j'en conviens, mais il me semblait urgent de remettre les "i" de body positivity et neutrality après ces 24 minutes de vidéo si mal employées malgré ses bonnes intentions (de celles dont l'enfer est résolument pavé).
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Si le format vidéo vous convient mieux : en deux fois moins de temps qu'EnjoyPhoenix et dans un format infiniment moins ringard que la note de blog sur laquelle vous vous trouvez, ma chère Elawan en parle encore mieux... parce qu'elle est directement concernée, et politisée (d'ailleurs, c'est la créatrice des hashtags #plusde70kgetsereine et #plusde100kgetsereine, bref, ABONNEZ-VOUS)
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Autres ressources en français sur la lutte contre la grossophobie et le mouvement body positive :
Voilà plus d'un an que je n'ai rien écrit sur le blog. Mais au-delà de la fatigue et du surmenage habituels, je sais d'où ça vient :une des dernières expériences de grossophobie médicale que j'ai vécues en avril dernier m'a mis une claque dont je ne me suis pas encore remis·e.
Comme l'année avait déjà commencé assez sur les chapeaux de roues avec l'émission de chirurgie bariatrique grossophobe de Karine Le Marchand sur M6 et que la mobilisation de Gras Politique et des militant·e·s féministes anti-grossophobie #PasMaRenaissance avait été extrêmement énergivore... j'ai du me mettre en retrait pour cicatriser —tout en culpabilisant de ne plus trop réagir aux actualités sur la grossophobie ces derniers mois, sinon, ça n'aurait pas été drôle. Bref, je ne sais pas si je suis tout à fait prêt·e à l'heure où j'écris ces lignes, mais j'ai en tout cas la certitude qu'il m'est nécessaire de laisser cette mauvaise expérience derrière-moi, en 2021, et qu'il me reste très peu de temps pour le faire en posant des mots dessus. Alors advienne que pourra, je me lance.
Baisser sa garde face à la grossophobie médicale : grosse erreur !
Comme le titre vous l'aura indiqué, je vais vous parler de l'expérience de grossophobie médicale que j'ai le plus mal vécu en 32 tours du Soleil, bien qu'elle n'ait pas été « méchante » ou « maltraitante » pour un sou. Faites-vous infuser un petit pisse-mémé, je vais planter le décor et ce ne sera pas exactement rapide.
Militant·e LGBTQI+ et féministe engagé·e dans la lutte contre le VIH/sida et la sérophobie depuis 2015, dans une association, puis maintenant deux, j'ai souhaité en début d'année dernière intégrer un essai vaccinal ambitieux qui s'est lancé en région parisienne. Cela nécessitait : une bonne disponibilité durant plusieurs mois pour des examens réguliers, de suivre des consignes assez strictes pour que le protocole scientifique de l'étude soit respecté et être à l'aise avec l'idée que, selon si on se retrouvait dans le groupe placébo ou non, il y avait la possibilité de se retrouver avec un "faux positif" VIH (la présence souhaitée d'anticorps lorsque l'on développe un vaccin, en gros). Ce qui, sérophobie administrative oblige (les personnes séropositives sous traitement ont une espérance de vie égale à celle des séronegs), aurait nécessité des justificatifs pour les banques et assurances lors d'une demande prêt notamment, sachant qu'en temps que personne obèse je suis déjà mauvais·e candidat·e pour ce genre de démarches... mais c'est un autre sujet.
On en apprend vraiment tous les jours sur l'étendue de la grossophobie
Rassuré·e, quelques semaines plus tard, je me rends dans l'un des hôpitaux où le suivi de l'étude est assuré, en journée, sur des heures qu'il me faudra rattraper au travail. Je m'acquitte des formalités à l'accueil puis suis reçu·e par une personne que je ne connaissais pas et non mon interlocuteur, dans un bureau, pour un dernier entretien avant de passer aux prises de sang préalables à l'entrée dans le protocole d'essai. Tout d'abord, on doit s'assurer que je n'ai pas de contre-indications. Je parcours le document de plusieurs pages (je n'ai pas compté, j'aurais dû, me dis-je rétrospectivement, pour souligner l'absurdité qui approche), et rien, absolument rien, en travers du chemin. Mais une fois cela terminé, on me demande de monter sur la balance. J'ai vu flou. Je ne l'ai pas vu venir et n'ai pas su protester, alors même que mes angoisses d'ancien·ne anorexique de me confronter à cet instrument de torture sans avoir enlevé toutes les couches de vêtements possibles auparavant remontaient, je suis monté·e dessus.
Tout est allé très vite. Je n'ai pas regardé mon poids, je m'en fous, mais la soignante s'est immédiatement lancée dans le calcul de mon IMC, sans un regard vers moi. Verdict : 42 et des poussières, ce qui, apparemment, disqualifiait sur le champ ma participation. La pièce s'est mise à tanguer. Pardon ? La limite est de 40, m'indique-t-on. Ce n'était pas sur le questionnaire que je venais d'avoir entre les mains, et surtout, le mec à la tête de l'étude m'avait assuré que mon obésité ne serait pas un problème. Il doit y avoir une erreur. J'essaie de garder mon calme et demande à ce que cela soit confirmé, ou infirmé. Elle me laisse seul·e quelques minutes dans la pièce puis revient avec une collègue, l'air gêné, un peu désolé aussi, pour me dire que, effectivement, on m'avait fait·e venir pour rien car ma candidature à l'essai n'était pas recevable en raison de mon poids.
Je ne sais pas comment j'ai réussi à sortir de ce dédale de couloirs, d'ascenseurs et de halls en gardant la tête haute, mais une fois sur le parking, j'ai explosé. Malgré le flot continu de larmes qui embuait mes yeux, je me suis empressé·e d'écrire au professeur qui dirigeait l'étude pour lui faire part de mon incompréhension et de ma déception, tout en lui rappelant le b.a.-ba de l'IMC, à savoir :
Quelques heures plus tard, lorsque j'ai repris ma journée de télétravail, défait·e et les yeux en feu, j'ai reçu sa réponse :
« Chère Olga je suis désolé et cela est de ma faute j'aurais du demander plus exactement vos mensurations. Je suis d'accord avec vous que tout cela est assez arbitraire mais ce sont des critères que nous ne pouvons pas contourner.
Je vous remercie encore pour votre engagement et vous tiendrai au courant si vous le souhaitez de la suite de ce projet
Bien cordialement »
Naturellement, je n'y ai rien trouvé de réparateur dans ces mots, juste un bon torrent de boue au moulin de ma colère. « Je suis d'accord avec vous que tout cela est assez arbitraire mais ce sont des critères que nous ne pouvons pas contourner ». Un éminent membre du corps médical venait littéralement de hausser les épaules pour confirmer toutes les choses que les fat activistes dénoncent depuis des décennies au sujet de l'IMC comme unité de mesure pertinente.
Je suis trop lourd·e —par rapport à quoi, on ne sait pas— juste trop lourd·e
J'aurais pu surenchérir : mais du coup, le vaccin, à terme, il serait aussi injecté à des personnes obèses, n'est-ce pas ? Je n'ai aucune des nombreuses et pour certaines fréquentes contre-indications à l'étude et c'est mon IMC, qui ne donne aucune indication sur mon état de santé, le facteur d'exclusion ? Vous admettez que l'Indice de Masse Corporelle est un outil daté et arbitraire mais vous n'avez pas songé à l'enlever des facteurs de sélection pour votre étude parce que... c'est comme ça ? Je bouillonnais de rage. Mais j'ai préféré laisser tomber. Je suis trop lourd·e — par rapport à quoi, on ne sait pas — juste trop lourd·e et ce constat est un point final. Avec des années de lutte contre diverses formes de grossophobie derrière moi, j'ai appris à choisir mes combats, celui-ci était, malgré ce que l'on m'avait initialement assuré, perdu d'avance.
Clairement, vous avez venu voir le truc dès les premières lignes de ce témoignage, contrairement à moi qui me pensais en sécurité après un échange oral. Mais j'ai envie de m'attarder sur le ressenti que j'en ai, encore aujourd'hui, 8 mois après. Dans le titre puis l'intro de ce billet de blog, je parle de la pire expérience de grossophobie médicale que j'ai vécue. Je m'auto-choque presque, en l'admettant. Parce que des connards en blouse blanche qui m'ont fait une leçon sur la posture, le sport et l'alimentation sans regarder ma gorge alors que je venais pour une angine purulente ou qui ont pris soin de préciser que mon foie était « graisseux » pendant l'écho censée déterminer la taille des calculs rénaux qui me faisaient tordre de douleur, j'en ai rencontré un paquet sur mon chemin...
Les médecins qui se sont montré·e·s méprisant·e·s, injustes, indélicat·e·s, insensibles voire méchant·e·s quant à mon poids, je ne les compte plus, et ça, c'était de la violence médicale grossophobe pure jus. Alors pourquoi est-ce que j'ai si mal vécu cette dernière expérience ? Après tout, ce n'est pas un droit que de pouvoir participer à une étude clinique en tant que cobaye, j'en ai bien conscience. Il ne s'agit pas non plus de mon accès à la santé, fondamental, je m'en rends bien compte.
J'ai échangé avec pas mal de copaines ces derniers mois à ce sujet, concerné·e·s par le VIH, par le surpoids ou l'obésité, les deux à la fois pour certain·e·s, ma psy bien sûr et quelques soignant·e·s non-grossophobes de mon entourage. Toustes ont été choqué·e·s et m'ont confirmé que je n'étais pas dans le caprice que ma grossophobie intériorisée me le laissait penser. Iels m'ont permis de comprendre que ce que j'avais vécu là en terme de grossophobie médicale était une violence symbolique réelle. Et c'est vrai, en sortant de l'hôpital, je me sentais bon·ne à rien, inutile et seul·e fautifve de l'être. Ce qui est bien caractéristique des délicieuses sensations que la grossophobie offre aux gros·ses — sans solutionner « l'épidémie d'obésité » pour autant, étrangement, mais bon, comme pour l'usage de l'IMC, on continue, parce que flemme de changer quoi que ce soit pour ces feignasses de gros·ses et puis, le contrôle du corps est une valeur vue comme morale facilement cotable en bourse après tout !
Rappel : aucune excuse pour la grossophobie.
Ce n'est certes pas mon intégrité physique qui a été menacée, mais ma valeur en tant que membre de la société qui a été remise en question par cette règle bancale mais traditionnelle de l'IMC « trop élevé », comme pour ma mésaventure au don de sang. Et, mes cher·e·s adelphes du gras, laissez-moi vous dire et vous répéter que tout, absolument tout, ce qui nous fait sentir inférieur·e·s, indésirables et indignes de considération et de respect en raison de notre grosseur est le problème que nous n'avons jamais été.
Mes gros·ses sûr·e·s, en cette période de fêtes de fin d'année particulièrement riche en grossophobie, je vous envoie toutes mes plus tendres pensées pour vous caresser, si vous y consentez, dans le sens du bourrelet. J'espère —sans trop y croire non plus, vu que la dernière fois que je me suis permis d'être moins vigilant·e la réalité m'a roulé dessus— que l'année 2022 sera plus douce avec nous. Prenez soin de vous, et, vraiment, invoquez le pouvoir de la non-mixité grosse aussi souvent que possible pour recharger les batteries ❤️❤️❤️
Qu'il soit ou non dans vos traditions, habitudes ou envies de prendre part aux diverses festivités de fin d'année, la grossophobie liée à Noël et tout le tintouin affecte toutes les personnes grosses. Les médias —et quand je dis médias, je pense surtout à la presse féminine— nous abreuvent de conseils pour ne pas prendre un gramme pendant les gros repas de fête et anticipent déjà sur la manière trendy que l'on aura de s'affamer ensuite pour payer le prix de la gourmandise... et le reste du monde nous bombarde d'appétissantes recettes et autres injonctions à consommer de la boustifaille au moins autant que des objets. Bref, comme d'habitude, la seule personne grosse qui est acceptable et même carrément agréable à voir durant les fêtes car il est synonyme de joie —le père Noël— est imaginaire (déso). Paye ta dissonance cognitive, le capitalisme.
Cette année, j'ai envie de me dire que le contexte sanitaire peut-être une bénédiction pour certaines personnes marginalisées, dont la « famille de sang » est violente pour elleux... car on a la meilleure excuse du monde pour ne pas supporter leurs discours oppressifs, leur « humour » douteux et leurs remarques déplacées à table. D'après quelques confidences d'adelphes du gras et du grand méchant Lobby LGBTQI lues ces dernières semaines, ce n'est pas une fausse impression (vraiment désolé•e pour les personnes dont l'entourage familial est bienveillant, et qui ne peuvent pas les voir cette année !). Cependant... il y a toujours les coups de fils et autres appels vidéo, pour celleux qui passent par ce compromis, ou pour qui c'est un rendez-vous régulier car la famille est loin. Et pour en avoir récemment fait l'expérience, les micro-agressions grossophobes trouvent tout à fait moyen de s'incruster dans une réunion en visio !
Sans faire un pavé, car je l'écris vraiment sur le tard, une nouvelle coloration macérant sur le crâne, j'ai envie de vous faire part de quelques techniques d'auto-défenses. Quelques unes, que je me fantasme, et d'autres, que j'ai déjà testées, ci-dessous :
« Attention, ça, c'est trouzemille calories la part »
Testé et approuvé par mes soins le 31 décembre dernier (pour nous autres russes, c'est plutôt le Nouvel an, le clou du spectacle) : « Ça vous dirait qu'on passe UN repas DE FÊTES sans parler de la valeur diététique des bons repas qu'on a préparés pour se faire PLAISIR ? ». Ça jette un froid, mais c'est efficace. Que ce soit par remord, malaise ou envie de passer un moment tranquille, il y a de fortes chances pour que vos interlocuteurices changent de sujet sans essayer d'argumenter.
« Oh, ben ça va être léger ça encore »
Testé et approuvé par bibi il y a une quinzaine de jours : « Ah ben oui, c'est vrai qu'on prépare des [insérer nom de plat] pour que ce soit léger hein, c'est connu ! ». À priori, ça fait rigoler dans l'assistance... et c'est difficile de ne pas être d'accord avec ça. Donc il y a peu de chances que les minces en remettent une couche derrière. Si jamais iels tente le coup, vous pouvez tout à fait leur dire que leurs désagréables vocalises grossophobes ne vont pas magiquement faire baisser le taux de graisses ou le nombre de calories de leur assiette (je parle en détail de ce sujet précis dans cet article là). Là aussi, ça risque de casser l'ambiance, mais il faut bien être à la hauteur de notre réputation, les féministes !
« Demain, c'est régime sec ! »
Réponse que j'adorerais sortir du tac at tac : « Et du coup, ce soir, on peut manger en paix ou est-ce qu'on se flagelle collectivement en guise de digestif ? ». Je pense que là aussi, ça peut créer un léger moment de flottement dans l'assemblée. Mais tant mieux s'iels s'interrogent un peu sur la nullité de ce lieu commun qui entretient la culture du régime et les troubles du comportement alimentaire.
« Ben dis donc, t'as encore grossi/toujours pas maigri »
Une variété de réparties bien cassantes s'offre à vous. Mais il faut voir si vous ça vous fait plaisir, ou non, que cette personne fasse la gueule ensuite. Parce que ce qui me vient est plutôt cassant : « Et toi, t'as toujours pas changé d'humour », « Oh, wow, quel sens de l'observation ! » ou encore « Ouais, mais je pèserai toujours moins lourd que tes remarques non-sollicitées ». Je n'ai pas encore essayé, mais je me tiens prêt•e à dégainer au besoin, sans hésiter !
« Rholala, j'ai mangé comme un•e gros•se »
Allez-y franchement : « ÉLÉGANT ! ». Tant pis si la personne qui a dit ça par automatisme se sent con•ne, d'un coup : iel l'est, et c'est pas volé. On ne l'y reprendra pas de si tôt. Version plus vénère : « Nan mais c'est bon, je sais que votre pire cauchemar c'est de me ressembler, mais est-ce qu'on peut au moins passer un repas sans que vous me le rappeliez ? »
Ce ne sont que quelques exemples, à vous de trouver ce sur quoi vous êtes à l'aise, et quand. Ces quelques idées reposent principalement sur le fait de pointer les contradictions des personnes que vous avez en face, ou tout simplement leur signifier que leurs propos vous sont désagréables. Quoi qu'il en soit, n'allez surtout pas vous mettre en danger. Ignorer ou fuir par gain de paix, c'est une stratégie tout aussi valable. Si votre refuge est d'aller regarder des comptes Instagram de personnes grosses super badass dans votre coin, allez-y. Ne vous forcez surtout pas à vous défendre, car c'est potentiellement une porte ouverte sur des attaques supplémentaires. Et puis, aller s'enfermer aux toilettes et sortir cette réplique qui vous brûle les lèvres à voix-haute peut déjà faire beaucoup de bien : ça a été ma tactique pendant longtemps. De même que de raconter l'échange par texto à un•e ami•e qui est de votre côté. Faites ce qui est le mieux pour vous, écoutez-vous !
Et pour les warriors du gras qui auraient envie de se lancer dans la joute verbale du siècle sur la grossophobie lors des repas de fêtes. Quelques pistes qui vont vraiment plomber le mood :
« Oui oui oui, on sait que ce qu'il peut arriver de pire à un être humain, c'est de grossir. On me l'a suffisamment répété pendant le confinement, quand tout le monde avait plus peur de finir par me ressembler que de mourir du Covid-19 ou de le refiler à une personne vulnérable. Pas besoin de me le répéter ! »
« Vos conversations sur le régime sont grossophobes et toxiques. Stop. Je me suis déjà tapé la bande annonce d'une émission de chirurgie de l'obésité voyeuriste et inconsciente aujourd'hui, vous avez pas besoin de me rajouter une couche de violence. Des gens se font mutiler les organes du système digestifs pour fuir votre violence ! » (J'en profite pour vous rappeler que la pétition de Gras Politique contre cette merde d'Opération Renaissance est toujours en ligne, on va devoir sortir les griffes comme jamais, début 2021...)
Quelle que soit votre situation, je vous envoie énormément d'amour et de soutien, mes adelphes du gras ! En vrai, c'est nous qu'on a les bourrelets, et c'est nous qu'on va étouffer leur violence dedans, à la fin. Puis bouffer le monde, aussi. Je pense fort à vous <3
PS : le reste de mes articles sur la survie des gros•ses pendant les fêtes est ici.
Le jeudi 16 avril dernier, j’ai écrit à l’adresse mail de l’étude Plasmacovid de l’hôpital St Antoine, en lien avec l’Établissement Français du Sang. Comme son nom l’indique, c’est une recherche en cours sur le plasma des personnes ayant eu le Covid-19, afin de trouver un traitement pour les malades.
Alors que je pensais qu’on ne me répondrait jamais car je m’y étais pris trop tard, le 7 mai, une médecin de l’EFS me rappelle pour me poser les questions de routine puis pour prendre RDV. Tout va bien jusqu’au moment où l’on évoque mon poids, qui n’avait pas été mis à jour depuis mon dernier don, il y a un petit moment. 115 kilos pour 1m71, j’entends une contrariété dans la voix au bout du fil. « Hmmm… c’est un IMC à 39,3 soit juste à la limite ! ».
« Ben ça peut faire des problèmes de santé après… »
Comment ça, la limite ? Quelle limite ?
Je suis donneurse depuis plus de 10 ans et c’est la première fois que j’entends parler de ça, alors que la limite des 50kg minimum — qui ne m’a jamais concernée — je l’ai toujours vu mentionnée partout ! Mon interlocutrice me dit qu’avec un IMC égal ou supérieur à 40, pas de don possible. Coincé•e entre ma joie de pouvoir mettre mon historique de coronavirus à contribution, la surprise complète face à cette info contrariante et l'envie de gueuler injustement contre la (par ailleurs très gentille) médecin au téléphone… Je n’ai pas réussi à venir questionner correctement cette histoire de limite haute. Naturellement, en guise d’explication fuyante, j’ai eu le classique « ben ça peut faire des problèmes de santé après… ». Okay, vu.
Le temps de digérer cette nouvelle et voir ce que j’allais en faire, plus d’une semaine avant de me rendre à l’EFS, j’ai partagé cette déplaisante découverte sur les réseaux sociaux. Je n’ai pas fait de statistiques mais, à vue de nez, j’ai eu 85% de personnes concernées sur leur gros cul, choquées, et les 15% restants s’étaient déjà vu refuser un don de sang en raison de leur poids. Ça sent le truc à l’appréciation de lae soignant•e qui mène l’entretien en amont du don, ça !... Pour m’éviter de me jeter sur cette conclusion en prenant un raccourci, j’ai fouillé sur le site de l’EFS. Mais rien, nulle part, ne stipule une telle limite. Et mon énervement n’a fait que croître. J’ai donc fini par poser ma question dans ma conversation mail initiale. Rapidement, j’ai eu la réponse suivante :
« Un IMC supérieur ou égal à 40 est estimé comme un facteur de risque, élément important pour nous médecin à prendre en compte lors de l’entretien médical pour un bonne tolérance sur le plan cardiologique. Le poids et la taille étant des données mises à jour à chaque entretien pré-don. La sécurité du receveur et du donneur est primordiale. En vous remerciant de l’ intérêt que vous portez aux malades, je reste à votre disposition pour tout complément d’information »
Puisque la réponse restait vague et que l’on m’a ouvert la porte pour continuer à poser des questions, je suis retourné•e à la charge en faisant part des retours que j’avais eus de donneurses gros•ses, et de ma propre expérience de grossophobie médicale. La réponse, un peu plus échaudée du côté de la docteure au bout du clavier, ne s'est pas faite attendre :
« En aucun cas c’est selon l’appréciation personnelle des personnes habilités à l’entretien pré-don. L’arrêté du 17 décembre 2019 réactualisé le 02/04/2020 fixant les critères de sélection des donneurs de sang nous explique que dans le cadre de l’obésité, le volume sanguin est surestimé par rapport au poids seul et expose ainsi le donneur à un risque plus important d’incident indésirable. La sécurité du donneur est aussi importante que celle du receveur. »
« Il n’y a pas de loi qui stipule cette limite, il s’agit de bon sens »
Manifestement, j’ai déclenché une petite panique en interne, car c’est une docteure de l’EFS de Créteil qui m’a appelée dans l'heure qui a suivi, après qu’on lui a transmis mes mails. La suite s’est donc faite à l’oral, à mon grand regret. J’ai tenté de prendre les notes les plus fidèles possibles, mais ce ne sera pas aussi précis qu’avec un échange écrit, forcément…
« Il n’y a pas de loi qui stipule cette limite, il s’agit de bon sens », me dit-elle tout d’abord, « car notre mission première est la sécurité donneur ». Encore une fois : j’entends et je respecte cette approche là, mais ce n’est qu’une réponse partielle à mon interrogation, légitime. Elle m’explique ensuite qu’il y a un premier facteur, pour une limite haute, d’ordre matériel : « Sur les lieux de collecte mobile, les fauteuils ne peuvent pas soutenir une personne pesant plus de 130 kilos ». C’est relou, mais c’est pas comme si on avait pas l’habitude que les infrastructures ne nous prennent pas en compte, nous les gros•ses. Rien de surprenant ou de révolutionnaire de ce côté, donc. Mais quid des risquesdont m’avait parlé ma première interlocutrice ? La médecin enchaîne alors avec des explications sur l’aspect médical de la question, pour justifier un refus aux personnes avec un IMC égal ou supérieur à 40. À l’EFS, l’IMC permet de « ranger les sujets en trois catégories : maigres, normaux, obèses ». Hum. « Les personnes obèses n’ont pas plus de sang dans leur organisme que les autres et quel que soit le sujet, on ne peut pas prélever plus de 13% de la masse sanguine totale ». Pour finir, elle me répète qu’elle ne peut pas me renvoyer vers un document détaillant cette règle, mais que je peux me référer au calcul de Gilcher sur le volume sanguin total, sur lequel se base l’EFS pour encadrer ses dons.
Voici ce que j’ai trouvé sur le dit calcul ici (sic) et là :
« Règle des 5 de Gilcher permettant de calculer le VST (volume sanguin total) Femme : - obèse : 60 ml/kg - normale : 70 ml/kg - maigre : 65 ml/kg - athlétique : 75 ml/kg. Homme : VST de la femme + 5 ml/kg »
Okay, là, j’ai eu ma réponse.
C’est quand même autre chose que les « facteur de risque » ou « incident indésirable » qu’on m’a servi de prime-abord, sans explications concrètes pour étayer !
Calculs incomplets, justifications bancales
Cependant, si ces précisions finalement obtenues me semblent en effet faire appel à une vraie logique, que je peux envisager d’accepter, elle ne me font pas décolérer pour autant. Pourquoi ? Parce que :
Si la limite basse des 50kg minimum pour faire un don est indiquée absolument partout, celle qui touche à un IMC supérieur ou égal à 40 ne l’est pas. Un refus qui tombe du ciel pour une personne n’ayant pas connaissance d’une limite la concernant, c’est violent. Et injuste. Surtout après avoir fait la démarche de venir sur place. À titre de comparaison, j’ai regardé sur les deux sites de don anglophones que j’ai trouvés en mentionnant une limite de poids (sans préciser haute ou basse). Sur le site du Benioff Children's Hospital de San Francisco, la limite basse est de 110 pounds soit 49,89 kilos et des poussières. Quant au surpoids et à l’obésité il est mentionné ainsi « Il n’y a pas de limite haute du moment que votre poids ne dépasse pas la capacité d’accueil du fauteuil ou lit de don que vous utilisez. Vous pouvez parler de ces limites avec votre médecin traitant ». Sur le site officiel du don de sang au Royaume-Uni Donate Blood, affilié au système de santé publique local, il est écrit à la seconde ligne des conditions pour pouvoir donner son sang : « peser entre 50 et 158 kilos ». Pourquoi faire ce choix de ne pas indiquer cette limite sur le site de l’EFS alors ? Ne pas informer les personnes gros•ses de ces conditions « pour ne pas discriminer » n’est en aucun cas meilleur que de l’écrire en toutes lettres. C’est au mieux nous infantiliser, au pire, nous prendre pour des con•ne•s. Surtout que le poids reste une information obtenue sur la base du déclaratif durant l’entretien. Cette façon de responsabiliser les gens d’un côté et de les maintenir dans l’obscurité de l’autre, me laisse dans un insondable abîme de perplexité. Ce n’est pourtant pas faute de coucher noir sur blanc des recommandations aux relents homophobes juste à côté… Cette volonté d’épargner nos susceptibilités, donc, à vif en raison d’une grossophobie médicale déjà bien installée autour ne dédouane pas l’EFS de la grossophobie dont sont imprégnées ses règles imprécises !
Des règles imprécises et floues,oui, car : même dans les locaux de l'EFS, elles ne sont pas claires. Une fois ces réponses en poche pour aller faire mon don de plasma le 15 mai, j’ai décidé de questionner le personnel en situation. La médecin qui a fait mon entretien pré-don était extrêmement sèche, et lorsque j’ai demandé pourquoi elle demandait à nouveau le poids que j’avais déjà communiqué lors de l’entretien téléphonique, j’ai eu le droit à un « Oui, eh bien on pose les mêmes questions ici, c’est comme ça ! ». Ensuite, elle a fait la gueule lorsque j’ai répondu par la négative à toutes les questions sur des antécédents pathologiques. Ce jugement silencieux mais bien perceptible, j’en ai l’habitude. Et, clairement, je n’ai pas cherché à aller plus loin avec elle. En revanche, l’infirmière qui s’est occupée de moi pour le don derrière m’a répondu avec une simplicité rafraîchissante que non « on n'a pas vraiment de règles sur la limite haute du poids pour le don ». Elle m’a ensuite précisé qu’elle connaissait un donneur régulier qui pesait 140 kilos. Des indications qui laissent supposer que les fameuses règles seraient surtout à l’appréciation de lae médecin réalisant l’entretien pré-don : on y revient.
Le calcul vers lequel on me renvoie reste approximatif quant aux personnes obèses. Le spectre de l’obésité mathématique, si j’ose dire, commence avec un IMC de 30, qui marque l’entrée dans l’obésité « modérée ». Nous avons ensuite l’obésité « élevée » à 35 puis l’obésité « massive ou morbide » (on peut aussi trouver « sévère » par endroits) à partir de 40. Or la fameuse règle de Gilcher indique juste « obèse », alors pourquoi une ligne infranchissable à 40 et non à partir de 30, si ce calcul est censé protéger les personnes obèses d’un incident lors d’un don ? Entre 30 et 40, on peut se permettre une mise en danger alors ? 🤔 Vraiment, il faut qu’on m’explique. Et la réponse attendue n’est certainement pas l’instauration d’un passage obligé sur la balance ou de limites renforcées pour l’accès au don. Non, juste de la cohérence et de la transparence.
Last but not least... L’IMC, c’est de la merde. Énième rappel : l’Indice de Masse Corporelle est un calcul froid du poids divisé par la taille au carré, qui ne prend en compte ni la masse osseuse, ni la masse musculaire. C’est du pifomètre bien verni, qui peut éventuellement donner une indication de santé… tout à fait arbitraire. Pourquoi gardons-nous encore comme référence, en 2020, une formule bricolée par un mathématicien-astronome-naturaliste-sociologue-mais-pas-médecin belge en 1832 ?! Cette question est loin de ne concerner que l’EFS, mais je la pose quand même, puisqu’on en parle (je vous invite toustes chaleureusement à aller regarder la série de vidéos consacrée à ce sujet d’OK2BeFat, en anglais, sur YouTube).
En conclusion :
Ceci n’est pas un article à charge contre l’Établissement Français du Sang. C’est un retour d’expérience de donneurse, ainsi que quelques recherches et pistes de réflexion sur un sujet méconnu et... problématique. Je le publie afin que d’autres personnes grosses soient informées et pour qu’elles aussi, puissent venir questionner les imprécisions mentionnées ci-dessus, ainsi que les choix de communication les concernant qui en découlent.
Bien sûr, dans ma sale caboche de révolutionnaire du gras utoptimiste se trouve aussi le scintillant espoir que ces quelques lignes puissent aider l’EFS à s’orienter vers plus de clarté et de bienveillance sur l’encadrement des dons de sang sur le sujet de la corpulence des donneurses.