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dimanche 23 décembre 2018

Pourquoi les mincent causent-iels régime à table ? Guide de survive pour les gros.ses durant les Fêtes

« Dix secondes en bouche, dix ans sur les hanches », « Ohlala je vais encore manger comme un.e gros.se », « Bon, après, c'est régime sec pendant trois semaines ! »...

Est-ce qu'on peut revenir deux secondes sur ces remarques et autres « blagues » grossophobes qu'on se balance, à soi-même, ou entre nous. Au moment de manger de surcroît ?


Petit aparté histoire de gagner un peu de temps à celleux qui voudront défendre bec et ongles ces comportements culpabilisants et oppressifs : il est là bel et bien question de grossophobie. Exprimer très vocalement sa peur de grossir indique deux choses :
  • la peur de devenir gros.se, donc « moche»;
  • la peur de changer de statut social en perdant son privilège mince parce que l'on SAIT comment notre société traite les personnes grosses (discrimination à l'embauche, violences médicales, isolement social...). On le sait puisqu'on y participe.




(petit thread rapide de l'autre jour sur la question)



Déconstruire la moralité grossophobe de la bonne bouffe


Pourrait-on s'il vous plaît, disais-je, s'arrêter et prendre conscience de la violence de ces phrases toutes faites, prononcées dans le but de se dédouaner du pêcher de se faire plaisir en mangeant ? Oui oui, il est question ici de moralité face au kiff que suscite une belle assiette ou une délicieuse bouchée.

Le fait que l'on s'auto-flagelle verbalement de la sorte, le plus souvent au restaurant ou bien lors de repas de fêtes, trahit un réel sous-texte moral puisque la notion de bouffe plaisir est là à ces deux occasions. Autre indice : ce sont des contextes de sociabilisation. Vous faites-vous les mêmes remarques lorsque vous mangez en solo ? Et pourquoi diable, si vous avez si peur que ça de grossir ?



Il appartient donc de s'interroger sérieusement sur ce qui motive en fait ces démonstrations de faux regrets face à de la bonne nourriture. Pourquoi fait-on cela ? Indiquer haut et fort que l'on a peur de grossir permet en quelque sorte de s'absoudre du pêcher que serait aimer manger quelque chose de bon. Même en étant loin de la notion d'excès suggérée par la faute capitale de gourmandise. Le tout, en condamnant les pêcheur.esse.s gros.ses qui, ielles, se serait lamentablement laissé.e.s aller à la tentation.

Sauf que... et vous allez sans doute être déçu.e.s... ces désagréables vocalises grossophobes ne vont pas magiquement faire baisser le taux de graisses ou le nombre de calories de ce que vous vous apprêtez à déguster. Ce qu'elles font ? Elles entretiennent le culte de la minceur et la culture du régime, idéologies fascisantes du contrôle du corps à la croisée entre le plus cynique des capitalismes et la plus dégueulasse des misogynies (la grossophobie en particulier, et le body shaming en général, touchant plus violemment les femmes, toutes les études en attestent).

Ce sont deux choses qui maintiennent en place la grossophobie. Qui violente les personnes gros.ses mais maintient aussi les minces, bien que privilégiées, dans une tension constante pour ne surtout pas devenir comme elles.

Lutter contre la culpabilisation face à l'assiette


Avant de remettre un peu de bon sens dans ces tristes conversations de table, un peu de contexte pour nuancer : ce ne sont pas que les minces, qui prononcent de telles horreurs. C'est vrai.

Une personne grosse va prononcer ce type de phrases toutes faites pour rassurer son entourage mince sur le fait qu'elle a bien conscience d'être un monstre, qu'elle s'en veut et qu'elle n'est surtout pas en paix avec sa grosseur... Ou pour exprimer la détresse que lui suscite l'idée de grossir encore à cause de son appétit.

Quand une personne mince le dit, ce n'est pas la même limonade. C'est une sorte de péage à passer pour pouvoir profiter d'un bon petit plat tout en conservant les avantages conférés par son statut privilégié de personne non-grosse. Et c'est, contrairement au cas des personnes grosses qui expriment-là des angoisses liées à une réalité concrète, quelque chose qu'il est légitime et nécessaire de déconstruire lorsqu'on le peut.

J'aimerais beaucoup pouvoir maintenir ma colère dans une constance tout feu tout flamme, mais ce dernier constat me donne malgré tout envie de plaindre ces gens. Et c'est, dans un second temps, ce que je vous invite à faire également, cher.e.s et très en chair adelphes du gras. Mais d'abord, l'offensive _sournoise_ est de mise...



Je m'explique : la stratégie que je recommande d'adopter, que ce soit lors d'un déjeuner entre collègues, un dîner entre potes ou un repas de famille, c'est de questionner l'origine de ces propos chez ceux qui partagent votre table. Lorsque vous avez la force et l'énergie pour pouvoir le faire sans craindre d'épuiser vos ressources, ou de déclencher un incident diplomatique bien sûr. Votre sécurité avant tout.

Les allié.e.s minces de la lutte contre la grossophobie, vous, en revanche, ça fait partie de vos missions du quotidien que d'aller éduquer vos pairs. Ouvrez grand vos esgourdes et vos mirettes pour ne plus laisser passer.

Comment procéder ? Très simplement. Lorsque Jean-Michel de la compta, tatie Suzanne ou encore Bob se lamentent devant leur plat. Demandez-leur, dans le plus grand des calmes, s'iels pensent vraiment qu'un repas va les faire devenir obèse. Questionnez les sincèrement sur leur conception de la réalité physique des corps et de leurs fonctionnements lorsqu'iels laissent éclater leur panique de devoir se mettre au régime pour une journée d'excès festifs.

Une fois qu'iels auront fini par remettre les pieds sur terre, c'est le moment de les achever, si je puis me permettre de le formuler ainsi. C'est compassion forcée o'clock. Là, il s'agit de leur mettre la main sur l'épaule et de leur demander s'iels se rendent compte du mal qu'iels se font en propageant de pareilles sornettes. C'est l'heure de dégainer la question qui change tout : « Est-ce que tu réalises que tu te gâches le plaisir d'une assiette d'exception en disant ça ? ».

Une fois qu'iels ont compris que cette démarche LES rend malheureux.ses, on peut leur glisser à l'oreille que ça ruine l'appétit des autres autour aussi, surtout celui des gros.ses. Et que l'origine de ce réflexe est grossophobe.

Quant à ce qui est de plaindre réellement ces tristes âmes, temps deux de l'opération, c'est plus un rappel qu'un conseil, en fait. Que vous ayez réussi à les faire cogiter sur leur condition ou non et même si vous n'avez pas eu la foi de vous lancer dans cette entreprise d'utilité publique... il reste la consolation de se souvenir que ces mots superflus et méchants rendent leurs assiettes insipides. Et pas la vôtre.



Profitez bien, autant que faire se peut, de vos repas de réveillon si vous participez aux fêtes de fin d'année. Et beaucoup de courage pour faire face à la grossophobie qui semble coller au train du fameux « esprit de Noël » jusqu'à poser ses vilains coudes sur la nappe. J'ai la certitude qu'on jour, on la bannira pour de bon de nos festins, et de toutes les autres tablées !