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dimanche 23 décembre 2018

Pourquoi les mincent causent-iels régime à table ? Guide de survive pour les gros.ses durant les Fêtes

« Dix secondes en bouche, dix ans sur les hanches », « Ohlala je vais encore manger comme un.e gros.se », « Bon, après, c'est régime sec pendant trois semaines ! »...

Est-ce qu'on peut revenir deux secondes sur ces remarques et autres « blagues » grossophobes qu'on se balance, à soi-même, ou entre nous. Au moment de manger de surcroît ?


Petit aparté histoire de gagner un peu de temps à celleux qui voudront défendre bec et ongles ces comportements culpabilisants et oppressifs : il est là bel et bien question de grossophobie. Exprimer très vocalement sa peur de grossir indique deux choses :
  • la peur de devenir gros.se, donc « moche»;
  • la peur de changer de statut social en perdant son privilège mince parce que l'on SAIT comment notre société traite les personnes grosses (discrimination à l'embauche, violences médicales, isolement social...). On le sait puisqu'on y participe.




(petit thread rapide de l'autre jour sur la question)



Déconstruire la moralité grossophobe de la bonne bouffe


Pourrait-on s'il vous plaît, disais-je, s'arrêter et prendre conscience de la violence de ces phrases toutes faites, prononcées dans le but de se dédouaner du pêcher de se faire plaisir en mangeant ? Oui oui, il est question ici de moralité face au kiff que suscite une belle assiette ou une délicieuse bouchée.

Le fait que l'on s'auto-flagelle verbalement de la sorte, le plus souvent au restaurant ou bien lors de repas de fêtes, trahit un réel sous-texte moral puisque la notion de bouffe plaisir est là à ces deux occasions. Autre indice : ce sont des contextes de sociabilisation. Vous faites-vous les mêmes remarques lorsque vous mangez en solo ? Et pourquoi diable, si vous avez si peur que ça de grossir ?



Il appartient donc de s'interroger sérieusement sur ce qui motive en fait ces démonstrations de faux regrets face à de la bonne nourriture. Pourquoi fait-on cela ? Indiquer haut et fort que l'on a peur de grossir permet en quelque sorte de s'absoudre du pêcher que serait aimer manger quelque chose de bon. Même en étant loin de la notion d'excès suggérée par la faute capitale de gourmandise. Le tout, en condamnant les pêcheur.esse.s gros.ses qui, ielles, se serait lamentablement laissé.e.s aller à la tentation.

Sauf que... et vous allez sans doute être déçu.e.s... ces désagréables vocalises grossophobes ne vont pas magiquement faire baisser le taux de graisses ou le nombre de calories de ce que vous vous apprêtez à déguster. Ce qu'elles font ? Elles entretiennent le culte de la minceur et la culture du régime, idéologies fascisantes du contrôle du corps à la croisée entre le plus cynique des capitalismes et la plus dégueulasse des misogynies (la grossophobie en particulier, et le body shaming en général, touchant plus violemment les femmes, toutes les études en attestent).

Ce sont deux choses qui maintiennent en place la grossophobie. Qui violente les personnes gros.ses mais maintient aussi les minces, bien que privilégiées, dans une tension constante pour ne surtout pas devenir comme elles.

Lutter contre la culpabilisation face à l'assiette


Avant de remettre un peu de bon sens dans ces tristes conversations de table, un peu de contexte pour nuancer : ce ne sont pas que les minces, qui prononcent de telles horreurs. C'est vrai.

Une personne grosse va prononcer ce type de phrases toutes faites pour rassurer son entourage mince sur le fait qu'elle a bien conscience d'être un monstre, qu'elle s'en veut et qu'elle n'est surtout pas en paix avec sa grosseur... Ou pour exprimer la détresse que lui suscite l'idée de grossir encore à cause de son appétit.

Quand une personne mince le dit, ce n'est pas la même limonade. C'est une sorte de péage à passer pour pouvoir profiter d'un bon petit plat tout en conservant les avantages conférés par son statut privilégié de personne non-grosse. Et c'est, contrairement au cas des personnes grosses qui expriment-là des angoisses liées à une réalité concrète, quelque chose qu'il est légitime et nécessaire de déconstruire lorsqu'on le peut.

J'aimerais beaucoup pouvoir maintenir ma colère dans une constance tout feu tout flamme, mais ce dernier constat me donne malgré tout envie de plaindre ces gens. Et c'est, dans un second temps, ce que je vous invite à faire également, cher.e.s et très en chair adelphes du gras. Mais d'abord, l'offensive _sournoise_ est de mise...



Je m'explique : la stratégie que je recommande d'adopter, que ce soit lors d'un déjeuner entre collègues, un dîner entre potes ou un repas de famille, c'est de questionner l'origine de ces propos chez ceux qui partagent votre table. Lorsque vous avez la force et l'énergie pour pouvoir le faire sans craindre d'épuiser vos ressources, ou de déclencher un incident diplomatique bien sûr. Votre sécurité avant tout.

Les allié.e.s minces de la lutte contre la grossophobie, vous, en revanche, ça fait partie de vos missions du quotidien que d'aller éduquer vos pairs. Ouvrez grand vos esgourdes et vos mirettes pour ne plus laisser passer.

Comment procéder ? Très simplement. Lorsque Jean-Michel de la compta, tatie Suzanne ou encore Bob se lamentent devant leur plat. Demandez-leur, dans le plus grand des calmes, s'iels pensent vraiment qu'un repas va les faire devenir obèse. Questionnez les sincèrement sur leur conception de la réalité physique des corps et de leurs fonctionnements lorsqu'iels laissent éclater leur panique de devoir se mettre au régime pour une journée d'excès festifs.

Une fois qu'iels auront fini par remettre les pieds sur terre, c'est le moment de les achever, si je puis me permettre de le formuler ainsi. C'est compassion forcée o'clock. Là, il s'agit de leur mettre la main sur l'épaule et de leur demander s'iels se rendent compte du mal qu'iels se font en propageant de pareilles sornettes. C'est l'heure de dégainer la question qui change tout : « Est-ce que tu réalises que tu te gâches le plaisir d'une assiette d'exception en disant ça ? ».

Une fois qu'iels ont compris que cette démarche LES rend malheureux.ses, on peut leur glisser à l'oreille que ça ruine l'appétit des autres autour aussi, surtout celui des gros.ses. Et que l'origine de ce réflexe est grossophobe.

Quant à ce qui est de plaindre réellement ces tristes âmes, temps deux de l'opération, c'est plus un rappel qu'un conseil, en fait. Que vous ayez réussi à les faire cogiter sur leur condition ou non et même si vous n'avez pas eu la foi de vous lancer dans cette entreprise d'utilité publique... il reste la consolation de se souvenir que ces mots superflus et méchants rendent leurs assiettes insipides. Et pas la vôtre.



Profitez bien, autant que faire se peut, de vos repas de réveillon si vous participez aux fêtes de fin d'année. Et beaucoup de courage pour faire face à la grossophobie qui semble coller au train du fameux « esprit de Noël » jusqu'à poser ses vilains coudes sur la nappe. J'ai la certitude qu'on jour, on la bannira pour de bon de nos festins, et de toutes les autres tablées !

vendredi 21 décembre 2018

Fêtes de fin d'année et grossophobie : le pouvoir de la non-mixité entre gros·ses

Oh well, presque un an de pause non annoncée sur le blog dites donc ! Je vais pas me confondre une énième fois en excuses et explications, c'est ainsi, je me mets au clavier comme et quand je peux. Et puisque, personnellement,  je vis la grossophobie des fêtes de fin d'année encore plus violemment que celle du "corps de plage" estival, c'est le moment idéal pour reprendre. Surtout après le récent traitement médiatique de l'histoire de la nouvelle Miss France, Vaimalama Chaves, pour lequel je vais me permettre une *petite* (on se sait) digression en guise de préambule... Après, on parlera d'occupation de l'espace en tant que personnes grosses ;)


On raconte la perte de poids de la jeune femme comme le passage d'un "monstre" à une "bombe". Et si elle a effectivement subi le harcèlement de ses camarades à l'école parce que leurs comportements sont le reflet de la société grossophobe dans laquelle iels évoluent, parler "d'obésité" pour une personne mesurant 1m78 et pesant 80kg est inexact. Et donc mensonger. Certes, l'IMC (25,2 : synonyme de surpoids, pour la Vaimalama Chaves pré-régime) est toujours autant un concept approximatif et biaisé. Mais envoyer le message aux masses qu'un tel rapport poids/taille soit le signe d'une obésité "monstrueuse"... c'est tout simplement criminel. Tout comme le fait de ne raconter que les histoires de pertes de poids dans les représentations collectives, pour bien asseoir l'idée que c'est le seul salut des gros.ses et autres "pas minces". Oui, criminel. La grossophobie tue.

Donc comme si on n'avait pas assez à faire au mois de décembre, avec la complainte des minces qui ont peur de grossir (j'ai fait un petit thread Twitter là-dessus la semaine dernière, je prépare un article) à cause de deux malheureux repas de réveillon et une boîte de chocolats _enchaînant blagues grossophobes et dissertations sur les régimes et détox à longueur de journée pour se rassurer aux dépens des gros.ses_ on baigne dans les clichés de ce faux conte de fées instrumentalisé à la gloire du culte de la minceur. Et pourtant c'est un gros monsieur en costume rouge qu'on va célébrer durant les derniers jours de l'année ? Il y est des contradictions qui me dépassent, ma foi.



Bref, parenthèse de contexte terminée... j'ai envie de vous parler d'un très chouette outil pour faire le plein de puissance : la non-mixité entre personnes grosses.

J'ai compris l'intérêt du concept de non-mixité depuis longtemps, notamment dans les espaces féministes, entre meufs, et les espaces LGBTQI, entre gens non-cisgenres/hétérosexuel.le.s. Bref, sans les dominant.e.s, qui ont des comportements violents envers les populations aux dépens desquelles iels jouissent de leurs privilèges. Et ce, même lorsque ces personnes là sont "déconstruites".

On peut facilement comprendre l'importance, et la nécessité absolue, de ces réunions en non-mixité lorsqu'on voit la colère de celleux qui n'y sont pas convié.e.s face à l'annonce de l'événement... qui ne les aurait pas intéressé.e.s si l'invitation avait été formulée autrement. Il n'y a qu'à voir le déferlement de haine, campagnes de diffamation et de harcèlement que se prennent les militantes afroféministes sur les réseaux sociaux lorsqu'elles organisent des events qui ne sont pas ouverts aux personnes blanches ! Cet acharnement enragé est, à mon sens, le lointain cousin de la répression policière des mouvements sociaux : symptôme d'un pouvoir qui craint de perdre son autorité.

C'est pourtant sachant tout cela, aussi bien en théorie que dans la pratique, que j'ai découvert qu'il était possible de faire la même chose entre gros.ses. Le concept ne m'était tout simplement pas venu à l'esprit ! L'habitude de voir la grossophobie relayée au rang des faux problèmes dans les cercles militants et "woke", sans doute... Du coup, ça m'est tombé dessus l'hiver dernier, sans que je ne voie venir la chose. C'est après la journée de sensibilisation à la grossophobie, organisée le 15 décembre 2017 à l'Hôtel de Ville de Paris, que j'ai passé ma toute première soirée entre meufs grosses. Et cette expérience m'a complètement ouvert les yeux sur mes relations sociales avec les personnes minces de mon entourage, qui s'y trouvent en large (pun intended) majorité.



Gros remplacement
(c'est pas de moi, c'est des militant.e.s de Gras Politique !)


Nous étions quelques militantes fat positive à profiter de la venue de la blogueuse et fat activiste américaine Jes Baker pour organiser un petit dîner dans la capitale. Au moment de s'installer au restaurant, on a toutes pris le soin d'évaluer, ensemble, la taille du passage vers le bout de la table ainsi que l'épaisseur et la solidité des chaises disponibles, pour que les plus grosses d'entre nous peinent moins. Une démarche qui devrait aller de soi, et qui allait de soi puisqu'elle s'est faite tout naturellement dans cet environnement. Pourtant, c'est quelque chose de rarissime, pour ne pas dire inexistant, lorsqu'il y a une ou deux personnes grosses en minorité parmi des minces.

J'ai pris en pleine face la réalisation que l'on ne se soucie jamais nos besoins en termes d'accessibilité, de notre confort et de notre dignité, lorsque nous sommes entouré.e.s de non-gros.ses. J'ai repensé au nombre de soirées que j'ai passées mal installée, recroquevillée, pour ne surtout pas déborder, prenant sur moi dans la douleur pour ne pas perdre la face. Et priant pour ne pas casser le maigre mobiliser censé me soutenir. Une colère rétrospective s'est emparée de moi, au second plan du pied que je prenais avec mes sœurs de gras.

Depuis ce soir là, j'ai décidé de ne plus mettre mon confort entre parenthèses et d'occuper l'espace que j'ai le droit d'investir, étant donné mon volume. Maintenant, je repère l'endroit le plus accueillant et safe pour mon gros cul et j'y vais, après avoir vérifié que personne n'en ait visiblement plus besoin que moi. Un changement d'attitude pas forcément si visible que ça pour un oeil non-averti, je pense, mais qui vous révolutionne une existence, croyez-moi !

Et ça, c'est juste un exemple, un détail.
Naturellement, aucun propos grossophobe n'a été prononcé dans le groupe durant cette soirée. Et les regards de travers que toute personne grosse installée quelque part dans l'espace public _en particulier dans un contexte de repas_ se prend inévitablement étaient... imperceptibles. Était-ce parce que nous étions en train de vivre un moment d'empouvoirment hors du commun que nous ne les avons pas sentis ? Ou bien était-ce l'énergie dégagée par notre groupe, fière et solidaire, qui empêchait les lâches grossophobes de se livrer à leurs habituelles intimidations ? Un an après, je n'arrive toujours pas à en être certaine. Un peu des deux, j'imagine.

Ce soir là, on a plaisanté sur le fait qu'on "reprenait" Paris. Mais c'était vraiment ça.



On a pris la place qu'on avait le droit d'utiliser sans s'excuser, on a investi l'espace public sans se poser de questions. C'est vrai que ça doit être reposant de vivre le dehors ainsi, comme les minces, qui ne se rendent pas compte de leur privilège. Et qui chouinent dès qu'on leur met le nez dedans. Précision avant de me faire une énième fois accuser de "minçophobie" (coucou, ça n'existe pas dans un monde pensé avant tout par et pour les minces) : je parle "des minces" comme d' un groupe social, dominant, pas d'individus. Donc inutile de prendre mes propos  personnellement. Sauf si ça vous fait cogiter sur vos attitudes et leur pourquoi, parce que c'est important de le faire. Surtout si vous vous dites allié.e.s de la lutte contre la grossophobie.

Plus le temps passe et plus je remarque l'énergie déployée par les gros.ses pour se faire minuscules, pour ne pas gêner, tandis que les minces ne font pas cet effort. Les rares fois où je sors dans des lieux de fêtes, par exemple, je le ressens : je fais tout pour ne pas bouger, le plus loin du passage possible, pour ne pas faire chier les autres. Tandis que les minces font des allers-retours sans fin, s'excusent rarement de vous bousculer ou de vous renverser leurs verres dessus en passant parce qu'iels ne le voient même pas. L'espace public leur est acquis. Je me repense aussi à ce voyage dans un métro bondé, une fois. Dans le carré de quatre places où je me trouvais, nous étions trois meufs grosses. Compactées, droites comme des I, dignes, nous débordions à peine de nos sièges. Ce qui laissait tout loisir au petit loustic maigrichon en face de nous de manspreader de tout son long, jusqu'à nous toucher toutes les trois à la fois.

Inverser le pa(g)radigme


Quelques jours après cette mémorable sortie fat power du 15 décembre de l'an dernier, une amie grosse et moi-même avons revu Jes. Et cette énergie était tout aussi palpable en trio. Je me souviens de ce moment où, dans les côtes de Montmartre, on a toutes les trois ouvert nos manteaux puis retiré des couches et qu'on s'est comprises. On n'a pas eu besoin de justifier qu'on avait très chaud malgré les températures frisant le négatif. Au contraire, nous avons exprimé notre soulagement d'avoir cette liberté, sans le regard interrogateur ou moqueur d'une personne mince à gérer. Quelque chose d'anodin vu de l'extérieur je suppose, mais pour moi, ça a été un des plus grands moments d'insouciance et d'apaisement qu'il m'ait été donné de vivre en 29 ans. Et une prise de conscience mémorable, aussi.



Un petit mois plus tard, mes impressions étaient confirmées lors des Etats Généraux de la Grossophobie, organisés par l'association Gras Politique à Paris. Certes, il y avait quelques allié.e.s minces dans l'assistance, mais je les ai trouvé.e.s très respectueux.ses, sachant rester à leur place et n'ouvrant le bec que pour poser de sincères et pertinentes questions dont nous n'avions pas déjà donné la réponse. Mais surtout, nous étions une majorité de gros.ses. Le paradigme était totalement renversé. Pas de place pour la honte d'être "le monstre" du groupe de minces et beaucoup de fatoyance dans la salle !

Durant l'après-midi, nous nous sommes réparti.e.s en différents groupes de réflexion sur des thématiques précises (représentations, vie sociale, santé...). Nous avons été amené.e.s, pour certain.e.s, à évoquer des sujets graves et difficiles en lien avec toutes les formes de grossophobie que nous avons pu subir. Et c'était léger de pouvoir le faire. Pas d'étonnements naïfs, pas de "tu vois le mal partout". Juste de la compréhension, du respect et de la solidarité. Clairement, nous avons besoin de plus de temps et d'espaces pour de la non-mixité grosse. Aussi bien pour nos bonheurs individuels que pour mettre la grossophobie derrière nos gros derrières... et l'étouffer de nos puissants bourrelets.

Non-mixité grosse et fêtes de fin d'année


Bon. Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça maintenant, me demanderez-vous ? Eh bien tout simplement pour vous recommander chaleureusement de vous saisir au plus vite du formidable outil qu'est la non-mixité entre personnes grosses. Avant les réveillons, entre les réveillons, après les réveillons. Aussi souvent que vous le voudrez et que vous le pourrez pour faire le plein d'une trop rare énergie.

Si les réseaux sociaux permettent de se sentir mieux représenté.e.s en tant que gros.ses et de trouver une communauté d'entraide engagée, engageante et aimante contre la grossophobie... Se retrouver bien en chair et avec peu d'os, entre éléphant.e.s, bibendums et autres propagandistes de l'obésité (oui, on se fait vraiment appeler comme ça lorsque l'on milite pour que les gros.ses soient respecté.e.s au même titre que les minces), est quelques crans au-dessus en termes de kiff et de ressources.

Je peux même garantir à celleux qui me lisent et qui se disent que "ça doit être sympa" qu'iels n'ont pas idée d'à quel point cette sensation est au-delà de la certes merveilleuse mais simple joie. Des prises de consciences monumentales vous attendent sur l'étendue de la grossophobie dans laquelle nous vivons. Et la découverte d'une bienveillance inouïe dans des détails que vous n'aviez même pas remarqué tant vous vous êtes adapté.e.s à cette société qui vous méprise et vous invisibilise en prime !

Donc pour faire le plein de courage avant le repas de famille où on va surveiller votre assiette, pour reprendre goût à la vie après une soirée "de fêtes" où les blagues et réflexions grossophobes ont fusé ou à n'importe quel moment de l'année... je vous encourage à organiser des sorties entre gros.ses. Qu'il s'agisse de petits groupes de copain.e.s, de la création d'un collectif militant près de chez vous, ou encore de l'organisation une soirée communautaire.

Et si vous avez, dans votre malheur, la chance d'être deux ou trois gros.ses dans l'assistance... essayez de vous regroupez et de faire front. Et, petite technique testée et approuvée enseignée par une amie : face à une blague grossophobe (ça marche aussi pour "l'humour" sexiste, raciste, LGBTQIphobe, validiste et psychophobe), faites l'idiot.e. Demandez à votre aimable interlocuteur.rice d'expliquer sa plaisanterie, histoire que vous compreniez en quoi c'est drôle, et regardez lae se confondre en explications bancales tout en sirotant le contenu de votre coupette.



Adipeux Noël et Grosse Année à toustes ♥



PS : Voici mes articles sur la grossophobie et le mouvement body positive en périodes de fêtes des années précédentes ;)








🌟

mardi 26 décembre 2017

"Bonnes résolutions" : quelques ressources pour dire MERDE à l'Argument Santé™ des grossophobes


Çaaaaa y est : un des deux gros réveillons de la fin d'année est passé. Les média et les discussions de la machine à café vont passer de comment-faire-de-supers-repas-de-fêtes-mais-ne-surtout-pas-prendre-un-gramme aux satanées "bonnes résolutions".
Je ne vous apprends rien en vous disant que ces dernières sont souvent centrées sur l'alimentation, le sport, la perte de poids, l'apparence, et que la grossophobie se cache à peine entre les lignes de ces sujets.
Et puisque la "morale" qui veut continuer de diaboliser toujours plus le gras s'appuie systématiquement sur le fameux Argument Santé (le point Godwin de toute discussion autour du poids et de la grossophobie), pour cacher sa gêne esthétique face au gras...
Cette pratique s'appelle le "concern trolling", autrement dit, prétendre être allié.e d'une cause pour mieux faire passer sa critique de cette dernière.

En ce 26 décembre 2017, j'enfile donc mes oreilles de lutin vénère pour vous poster quelques liens utiles pour faire un peu de désintox chez ces trolls zélé.e.s de la détox...

 

"Ouiiiiiiiii, mais être gros c'est forcément être en mauvaise santé"

Il existe de nombreuses contre-études quant à cette case du bingrossophobe, l'une de ses porte-paroles est Traci Mann, auteure du livre "Secrets From the Eating Lab: The Science of Weight Loss, the Myth of Willpower, and Why You Should Never Diet Again" (Secrets du laboratoire de la nourriture : la science de la perte de poids, le mythe de la volonté et pourquoi vous ne devriez plus jamais faire de régime), qui milite pour qu'on arrête de se focaliser sur le poids en matière de santé, et que l'on s'intéresse réellement à ce qui tue effectivement les gros.ses (la sédentarité/l'isolement, la précarité, l'accès compliqué aux soins médicaux).


(on adore _NON_ le visuel déshumanisant choisi par la BBC pour illustrer le sujet, uhhh...)

"L'Argument Santé est un fait rationnel et objectif dans le débat sur le surpoids et l'obésité"

Lors de son intervention à la journée "Grossophobie, Stop" à l'Hôtel de Ville de Paris le 15 décembre 2017, Jes Baker a évoqué plusieurs études qui démontent la corrélation "obligatoire" entre gras et mauvaise santé (elles sont citées dans les sources de son livre "Things No One Will Tell Fat Girls", qui, selon une source proche, aurait pour ). Elle a dit qu'elle en parlait régulièrement lors de ses interventions en milieu scolaire ou universitaire, et qu'on ne croyait ces propos que lorsqu'elle montrait que les scientifiques ayant conduit ces études étaient... minces. Alors pour l'objectivité de votre Argument Santé, on repassera, hein, Jean-Mi !

D'ailleurs, il aussi est important de rappeler qu'aujourd'hui on parle de santé des gros.ses en matière d'Indice de Masse Corporelle, ce truc totalement imprécis et arbitraire, vous savez... La fat activiste Ali Thompson (Mean Fat Girl), de Ok2BeFat, a lancé une série de vidéos pour vous prouver à quel point le concept d'IMC est ban-cal :



"Nan mais arrête, on se soucie aussi bien de la santé des minces que des gros.ses hein, stop la victimisation !"

Dans son livre, "There Is No F*cking Secret: Letters From a Badass Bitch", Kelly Osbourne a parlé de son passé de grosse en ces termes : "En ce qui concerne les média, j'étais bien plus harcelée à cause de ma grosseur qu'à cause de mon addiction aux drogues et mes cures de rehab. Après tout, les gens beaux vont tout le temps en rehab, donc c'était presque acceptable. Alors qu'être grosse, non". Arrêtons deux secondes de faire comme si on mettait toutes les questions de santé publique au même niveau siouplé, vos "arguments" découlent simplement d'un système médical profondément grossophobe.


De plus, s'il est désormais prouvé que les médecins passent à côté du diagnostic de leurs patient.e.s gros.ses en leur prescrivant un régime quelle que soit la liste des symptômes, ils ont aussi naturellement tendance à considérer les minces comme "automatiquement en bonne santé"... Et manquer le coche là aussi, question qui a également été évoquée à l'event Grossophobie Stop, entre Daria Marx de Gras Politique, Gabrielle Deydier et Sylvie Benkemoun du GROS (Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids).
Quand Bevin Branlandingham, de Queer Fat Femme, dit que les minces entretient un système grossophobe qui les blesse elleux aussi... Il n'y a sans doute pas d'exemple plus parlant de cette affirmation.

"C'est pour ton bien"



Harceler les gros.ses jusqu'à ce qu'iels (re(re(re(re)))*)fassent un régime, puis se reprennent l'inévitable (à moins de rester au régime à vie, cimer le trouble du comportement alimentaire) effet yoyo dans les dents, jusqu'à ce qu'iels risquent leur vie sur une pétain de billard pour se faire mutiler un organe sain et reprendre du poids là aussi au bout de quelques années (à cause notamment du manque de suivi), tout en accentuant anxiété, dépression, pensées suicidaires chez les concerné.e.s... c'est clairement pas une approche "bonne" ou "saine". C'est juste une solution pour calmer l'irritation oculaire que provoque le gras chez toi, à court terme. Occupe-toi de tes petites fesses à toi chaton, veux-tu ?

*ben non scoop du siècle, on sait qu'on est gros.ses, t'es pas lae premier.e malin.e à me suggérer de maigrir pour résoudre tous mes problèmes d'un coup de baguette magique tu sais...

"Le sport c'est le truc le plus sain au monde de toute façon"

Primo, va dire ça aux genoux des joggeurs.euses, Marie-Églantine !
Secondo, les machines de sport si prisées par la culture du fitness nous viennent tout droit de l'univers carcéral, déso pas déso, mais ça peut juste être bon signe pour personne.




Un peu facile comme réponse ?
Ben pas tellement plus que l'injonction au sport comme remède miracle, en fait : associer les gros.ses à la paresse est un stéréotype qui entretient leur isolement, les violence qu'iels endurent.

"Si je peux, tu peux !"

Tu vas te calmer tout de suite avec ton empowerment capitaliste à trois francs six sous, Macron.
Ni toi ni moi n'avons les mêmes privilèges, déjà, et surtout, nous ne sommes pas bâti.e.s pareil donc nous demander de performer exactement les mêmes choses est tout simplement absurde.

L'association américaine HAES (Health At Every Size), qui regroupe des soignant.e.s engagé.e.s à considérer lae patient.e comme un tout et non juste son poids ou son apparence pour lae soigner, a fait une vidéo très pertinente pour démontrer cette arnaque (c'est en anglais, mais on peut à la fois activer les sous-titres et la traduction dans la barre de réglages, si vous en avez besoin) :

D'ailleurs, l'HAES n'est pas la seule asso à se pencher sur ces questions. En France, nous avons le GROS (Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids), qui rassemble des professionnel.le.s de santé qui proposent une vision critique de la culture de la minceur dans son ensemble, et une approche non biaisée des soins pour les gros.ses.

"Si la grossophobie était une vraie oppression, jusque chez le médecin, il y aurait des associations, on en parlerait..."

Mais tu as tout à fait raison, t'en parler est justement ce que je suis en train de faire. Je t'invite à donc faire un tour chez Gras Politique ou encore Allegro Fortissimo, et te renseigner sur la campagne "Grossophobie, stop" de la Marie de Paris.




Un peu de lecture... EN SILENCE, avant de reprendre la parole sur le sujet (en levant la main !).




***



J'ai volontairement été un peu plus concise qu'à mon habitude (j'ai mis un max de liens !), chépa vous, mais perso, chuis épuisée. J'écrirai à nouveau sur cette thématique plus tard, plus posément. Mais quoi qu'il en soit les ressources sont là pour qui veut bien les lire dans l'idée d'apprendre et vous ne "devez" de pédagogie à personne. Les faits sont là pour qui veut bien prendre le temps de chercher un peu, d'écouter, et si votre interlocteur.rice grossphobe ne veut rien entendre, vous n'avez pas pour mission sacrée de lae convaincre (c'est là que vous pouvez prendre le relais, cher.e.s allié.e.s minces ;) ) : la priorité est de vous préserver VOUS.

Et pour finir, je vais enfoncer une porte ouverte, mais comme ça fait vachement moins mal aux épaules qu'un mur comme ceux qui se dressent souvent face à nous, j'me dis que ça fait pas de mal : en bonne santé ou pas, les gros.ses ne sont pas des sous-êtres humains. Nous sommes tout aussi légitimes que les minces, quel que soit la teneur de leur bilan médical, pour prétendre au respect, à la considération, à la représentation, à une vie tranquille loin des injonctions non-sollicitées et du harcèlement normatif, au bonheur.

Puisse l'année-2018-année-de-la-cellulite (je crois bien que c'est une trouvaille de Gras Politique^^), qui arrive sonner le glas de la grossophobie !