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vendredi 22 décembre 2023

Lâchez-nous le gras : le guide de conduite pour les minces durant les fêtes de fin d’année



Bonjour à toustes ! Il est vrai que je me fais rare par ici — les quelques moments de concentration suffisante pour écrire, je les emploie à divers projets de livres depuis maintenant 4 ans... Mais j’ai quand même souvent tendance à revenir pour les festivités de fin d’année, afin de soutenir mes adelphes adipeuxes face aux micro-agressions et autres agressions grossophobes caractérisées que nous subissons particulièrement fort durant cette période.


J’ai donc, au fil des ans, écrit une petite collection de divers « 
guides de survie » pour les personnes grosses en milieu festif hostile. Mais en cette fin 2023, je n’ai plus le temps des culs nous déshumanisent et refusent d’écouter ce que les militant·e·s anti-grossophobie répètent inlassablement, tous les jours, depuis maintenant des décennies.

Aussi, au lieu d’une fois de plus essayer de trouver des techniques pour souffrir le moins possible des injonctions contradictoires et autres idées reçues, propos et actes grossophobes des minces, je me suis dit que j’allais changer de stratégie. Cette année, on va les éduquer elleux, car iels en ont bien besoin. On va leur dire concrètement ce qu’il faut arrêter de faire, ce qu’il faut s’atteler à déconstruire s’iels prétendent réellement être des allié·e·s contre la grossophobie, ou souhaitent sincèrement le devenir... C’est parti !



1) Si vous avez des personnes gros·ses à table pour les fêtes, pensez tout d’abord à l’accessibilité de la dite tablée : évitez d’aménager un espace navigable seulement par fax, et prévoyez des chaises solides, sans accoudoirs. Ça peut vous paraître futile, puisque ce n’est pas un souci que vous rencontrez au quotidien, mais si vous saviez seulement combien on SOUFFRE en silence, en essayant de rester dignes, dans vos soirées... Vraiment, faites un effort.


2) Si vous n’avez pas de personnes gros·ses à table :


a - Ce n’est pas une raison pour dire ou laisser dire les horreurs grossophobes de saison (on y revient plus bas)


b - S’il s’agit de votre cercle d’ami·e·s et non de votre famille de sang... Questionnez-vous sur l’absence de gros·ses dans vos proches. Y en a-t-il eu mais qui se sont éloigné·e·s ? C’est sans doute à creuser. S’il n’y en n’a jamais eu... Posez-vous très sérieusement la question de leur absence au sein de vos relations amicales et/ou amoureuses.


 3) Ne parlez pas de sa prise/perte de poids de quelqu’un·e. À moins qu’iel ne se lance ellui-même dans des explications, bien que ce ne soit vraiment pas le meilleur moment de l’année pour ça. Certain·e·s prennent du poids et en sont content·e·s. D’autres en perdent et le vivent mal (coucou moi y’a un an qui a perdu 10 kilos en un mois avec un énorme pic de dépression, par exemple, j’ai encore du mal à me sentir tout à fait moi- même aujourd’hui). Bref, arrêtons de faire du poids des gens un sujet, ça ne l’est pas !


4) Oubliez à jamais vos recherches de compliments sur le dos des gros·ses quant à vos tenues de soirée. En période de fêtes ou non, juste, les « tu trouves pas que cette robe me fait un gros cul ? », les « j’ai mangé que du céleri pendant 3 semaines pour rentrer dans ce

pantalon » et autres « nan mais sur toi, c’est pas pareil-han » c’est non. Supprimez ces commentaires merdiques de programmation, merci.


5) Ne commentez pas le contenu des assiettes des autres, le fait qu’iels se resservent, en quelle quantité, à quelle fréquence, ou non. Et quel que soit leur tour de taille d’ailleurs ! Avant même d’être grossophobe, c’est tout simplement un grand manque de délicatesse et d’éducation.


6) Rangez-vos « blagues » sur la grosseur et le régime à leur juste et permanente place à savoir... dans la poubelle ! Exit les comptages intempestifs de calories, les « j’ai mangé comme un·e gros·se », les « à partir de demain c’est salade », « on va aller deux fois plus à la salle pour brûler tout ça » et compagnie. Cela constitue une atmosphère toxique pour TOUSTES, pas que les gros·ses. Parce que si la grossophobie les impacts effectivement elleux, le culte de la minceur fait du mal à tout le monde, puisque c’est ce qui crée les TCA (troubles du comportement alimentaire) et, en fin de compte, la grosseur, car 95% des régimes se soldent par un échec... et qu’être au régime tout le temps, c’est bien un TCA. Juste, kiffez votre repas, complimentez lae chef·fe, profitez de la compagnie de celleux que vous aimez. On est là pour ça, en fait.


7) Si vous n’arrivez pas à finir votre assiette : démerdez-vous pour que votre éventuelle demande d’aide ne fasse pas se sentir les gros·ses comme vos poubelles de table. Si vous avez eu les yeux plus gros que le ventre, c’est OK, ça arrive. Rien de mal à attendre que ça passe un peu, de laisser de côté, de demander à emporter les restes. Rien de mal non plus à solliciter la solidarité de votre tablée, évidemment. Mais que la demande soit générale, sans désigner une personne grosse du regard, sans pression sur qui que ce soit. Ce genre de situation nous arrive souvent à nous autres gros·ses et que l’on accepte ou que l’on refuse, c’est extrêmement humiliant pour nous.


8) De la même manière qu’il est nécessaire de reprendre Karen la raciste et Jean-Mi le misogyne, si vous voulez vraiment être des allié·e·s de la lutte contre la grossophobie, ne laissez-pas passer les propos ou actes grossophobes. Intervenez, expliquez. Vous avez le privilège d’être mince, on ne vous accusera pas d’être biaisé·e — true story. Et ce, aussi bien à un dîner de réveillon qu’à la machine à café au boulot.


9) Lisez les différents guides de survie en période de fêtes écrits par et pour des personnes gros·ses afin de comprendre à quel point cette liste qui peut paraître vous paraître bien anodine est cause de souffrance réelle pour nous. Et plus généralement, suivez des personnes gros·ses qui expliquent ce qu’est la grossophobie, qui font de la pédagogie sur le sujet.


10) Question cadeaux : n’offrez pas de kits « détox », minceur etc, ni aux gros·ses, ni aux minces. C’est de l’arnaque. C’est passif- agressif, ça contribue à alimenter une culture violente. À la place, offrez (et lisez vous-même) des livres écrits par des personnes grosses et qui font de la pédagogie sur le sujet. Comme par exemple : Gros n’est pas un gros mot de Daria Marx et Eva Perez Bello, Je suis votre pire cauchemar de Kiyémis, Fière d’être moi-même de Gaëlle Prudencio, Coup de gueule contre la grossophobie ou Mon corps en désaccord d’Anne Zamberlan, T’as un joli visage : mettre fin à la grossophobie de Shérazade Leksir, Grosse, et alors ? Connaitre et combattre la grossophobie d’Edith Bernier  On ne naît pas grosse de Gabrielle Deydier etc etc etc !


Voilà. Bon travail sur vous-mêmes les minces, à vous de faire le boulot maintenant… et belles fêtes à Toustes, et particulièrement mes Gros•ses sûr•e•s, j'vous aime, je suis avec vous ❤️

jeudi 24 décembre 2020

De gras et d'épines : quelques astuces d'auto-défense anti-grossophobie pendant les fêtes de fin d'année

Qu'il soit ou non dans vos traditions, habitudes ou envies de prendre part aux diverses festivités de fin d'année, la grossophobie liée à Noël et tout le tintouin affecte toutes les personnes grosses. Les médias —et quand je dis médias, je pense surtout à la presse féminine— nous abreuvent de conseils pour ne pas prendre un gramme pendant les gros repas de fête et anticipent déjà sur la manière trendy que l'on aura de s'affamer ensuite pour payer le prix de la gourmandise... et le reste du monde nous bombarde d'appétissantes recettes et autres injonctions à consommer de la boustifaille au moins autant que des objets. Bref, comme d'habitude, la seule personne grosse qui est acceptable et même carrément agréable à voir durant les fêtes car il est synonyme de joie —le père Noël— est imaginaire (déso). Paye ta dissonance cognitive, le capitalisme.

Cette année, j'ai envie de me dire que le contexte sanitaire peut-être une bénédiction pour certaines personnes marginalisées, dont la « famille de sang » est violente pour elleux... car on a la meilleure excuse du monde pour ne pas supporter leurs discours oppressifs, leur « humour » douteux et leurs remarques déplacées à table. D'après quelques confidences d'adelphes du gras et du grand méchant Lobby LGBTQI lues ces dernières semaines, ce n'est pas une fausse impression (vraiment désolé•e pour les personnes dont l'entourage familial est bienveillant, et qui ne peuvent pas les voir cette année !). Cependant... il y a toujours les coups de fils et autres appels vidéo, pour celleux qui passent par ce compromis, ou pour qui c'est un rendez-vous régulier car la famille est loin. Et pour en avoir récemment fait l'expérience, les micro-agressions grossophobes trouvent tout à fait moyen de s'incruster dans une réunion en visio !

Sans faire un pavé, car je l'écris vraiment sur le tard, une nouvelle coloration macérant sur le crâne, j'ai envie de vous faire part de quelques techniques d'auto-défenses. Quelques unes, que je me fantasme, et d'autres, que j'ai déjà testées, ci-dessous :

  • « Attention, ça, c'est trouzemille calories la part »
Testé et approuvé par mes soins le 31 décembre dernier (pour nous autres russes, c'est plutôt le Nouvel an, le clou du spectacle) : « Ça vous dirait qu'on passe UN repas DE FÊTES sans parler de la valeur diététique des bons repas qu'on a préparés pour se faire PLAISIR ? ». Ça jette un froid, mais c'est efficace. Que ce soit par remord, malaise ou envie de passer un moment tranquille, il y a de fortes chances pour que vos interlocuteurices changent de sujet sans essayer d'argumenter.
  • « Oh, ben ça va être léger ça encore »
Testé et approuvé par bibi il y a une quinzaine de jours : « Ah ben oui, c'est vrai qu'on prépare des [insérer nom de plat] pour que ce soit léger hein, c'est connu ! ». À priori, ça fait rigoler dans l'assistance... et c'est difficile de ne pas être d'accord avec ça. Donc il y a peu de chances que les minces en remettent une couche derrière. Si jamais iels tente le coup, vous pouvez tout à fait leur dire que leurs désagréables vocalises grossophobes ne vont pas magiquement faire baisser le taux de graisses ou le nombre de calories de leur assiette (je parle en détail de ce sujet précis dans cet article là). Là aussi, ça risque de casser l'ambiance, mais il faut bien être à la hauteur de notre réputation, les féministes !
  • « Demain, c'est régime sec ! »
Réponse que j'adorerais sortir du tac at tac : « Et du coup, ce soir, on peut manger en paix ou est-ce qu'on se flagelle collectivement en guise de digestif ? ». Je pense que là aussi, ça peut créer un léger moment de flottement dans l'assemblée. Mais tant mieux s'iels s'interrogent un peu sur la nullité de ce lieu commun qui entretient la culture du régime et les troubles du comportement alimentaire.
  • « Ben dis donc, t'as encore grossi/toujours pas maigri »
Une variété de réparties bien cassantes s'offre à vous. Mais il faut voir si vous ça vous fait plaisir, ou non, que cette personne fasse la gueule ensuite. Parce que ce qui me vient est plutôt cassant : « Et toi, t'as toujours pas changé d'humour », « Oh, wow, quel sens de l'observation ! » ou encore « Ouais, mais je pèserai toujours moins lourd que tes remarques non-sollicitées ». Je n'ai pas encore essayé, mais je me tiens prêt•e à dégainer au besoin, sans hésiter !
  • « Rholala, j'ai mangé comme un•e gros•se »
Allez-y franchement : « ÉLÉGANT ! ». Tant pis si la personne qui a dit ça par automatisme se sent con•ne, d'un coup : iel l'est, et c'est pas volé. On ne l'y reprendra pas de si tôt. Version plus vénère : « Nan mais c'est bon, je sais que votre pire cauchemar c'est de me ressembler, mais est-ce qu'on peut au moins passer un repas sans que vous me le rappeliez ? »


Ce ne sont que quelques exemples, à vous de trouver ce sur quoi vous êtes à l'aise, et quand. Ces quelques idées reposent principalement sur le fait de pointer les contradictions des personnes que vous avez en face, ou tout simplement leur signifier que leurs propos vous sont désagréables. Quoi qu'il en soit, n'allez surtout pas vous mettre en danger. Ignorer ou fuir par gain de paix, c'est une stratégie tout aussi valable.  Si votre refuge est d'aller regarder des comptes Instagram de personnes grosses super badass dans votre coin, allez-y. Ne vous forcez surtout pas à vous défendre, car c'est potentiellement une porte ouverte sur des attaques supplémentaires. Et puis, aller s'enfermer aux toilettes et sortir cette réplique qui vous brûle les lèvres à voix-haute peut déjà faire beaucoup de bien : ça a été ma tactique pendant longtemps. De même que de raconter l'échange par texto à un•e ami•e qui est de votre côté. Faites ce qui est le mieux pour vous, écoutez-vous !

Et pour les warriors du gras qui auraient envie de se lancer dans la joute verbale du siècle sur la grossophobie lors des repas de fêtes. Quelques pistes qui vont vraiment plomber le mood :
  •  « 81% des enfants de 10 ans avaient plus peur de devenir gros que de la guerre nucléaire, du cancer, ou de perdre leurs deux parents » (étude citée dans le Ted Talk de Jes Baker en 2014)

  • « Oui oui oui, on sait que ce qu'il peut arriver de pire à un être humain, c'est de grossir. On me l'a suffisamment répété pendant le confinement, quand tout le monde avait plus peur de finir par me ressembler que de mourir du Covid-19 ou de le refiler à une personne vulnérable. Pas besoin de me le répéter ! »

  • « Vos conversations sur le régime sont grossophobes et toxiques. Stop. Je me suis déjà tapé la bande annonce d'une émission de chirurgie de l'obésité voyeuriste et inconsciente aujourd'hui, vous avez pas besoin de me rajouter une couche de violence. Des gens se font mutiler les organes du système digestifs pour fuir votre violence ! » (J'en profite pour vous rappeler que la pétition de Gras Politique contre cette merde d'Opération Renaissance est toujours en ligne, on va devoir sortir les griffes comme jamais, début 2021...)

Quelle que soit votre situation, je vous envoie énormément d'amour et de soutien, mes adelphes du gras ! En vrai, c'est nous qu'on a les bourrelets, et c'est nous qu'on va étouffer leur violence dedans, à la fin. Puis bouffer le monde, aussi. Je pense fort à vous <3 




PS : le reste de mes articles sur la survie des gros•ses pendant les fêtes est ici.



lundi 23 décembre 2019

Grossophobie et body shaming pendant les fêtes : guide de survie

Bon, je triche un peu, en vrai, ça devrait être "récap" de guides de survie^^



Hélas, je n'ai pas eu le temps ni l'énergie d'écrire une nouvelle série d'articles à thèmes pour les fêtes. Ce n'étaient pas les idées qui manquaient, pourtant, mais ce serait quand même naze de prêcher "prenez soin de vous" si je ne le faisais pas pour moi, et c'est ce que je fais depuis bien deux ans maintenant, vis-à-vis de ce blog... Je continue de parler de rapport au corps, très régulièrement, mais plutôt sur mes pages Facebook, Twitter, et Instagram. Et j'ai aussi un bouquin sur ce thème dans les cartons. Donc j'ai noté mes idées, et rendez-vous fin 2020 pour du contenu neuf sur le sujet :p

Voilà, maintenant, la traditionnelle phase d'excuses de reprise est passée. Venons-en aux faits. Que vous célébriez les fêtes de fin d'année ou non, l'ambiance gros repas versus "bonnes résolutions" grossophobes est là quoi qu'il arrive, tout autour de nous. Et qu'il s'agisse de ces fêtes de fin d'année, ou de n'importe quel autre gros rassemblement en famille, les dynamiques sont quand même assez semblables en ce qui concerne les injonctions et contre-injonctions faites aux corps finalement. Donc j'ai décidé de regrouper ici mes articles déjà écrits sur le sujet les années précédentes.

J'en ai écrit 9, depuis 2015. Ça doit sans doute se répéter de l'un à l'autre, par moments, et il est fort possible que ma gradicalisation se sente entre le premier et le dernier, mais je pense que ces articles restent pertinents, dans l'ensemble^^ En espérant de tout mon coeur que vous puissiez y trouver des choses pour vous aider à traverser cette période pas nécessairement si joyeuse que ça, surtout lorsqu'on a eu le mauvais goût comme nous de ne pas être normé•e•s. Tout le courage, tous les coeurs sur vos toustes ❤

Guide de survie Bodi Posi pour que les Fêtes restent Joyeuses ! (et bienveillantes)



Repas de famille (mais pas que) : le bingrossophobe de poche pour les fêtes (mais pas que non plus)






















Et dans le doute, on s'inspire de la merveilleuse Lizzo. Notamment du micro-sac à main qu'elle a porté aux American Music Awards 2019, pour toute l'importance qu'elle accorde à ses —nombreux— détracteurs.




Et à l'année prochaine ;)
*bruitage de vieux klaxon rouillé*





dimanche 23 décembre 2018

Pourquoi les mincent causent-iels régime à table ? Guide de survive pour les gros.ses durant les Fêtes

« Dix secondes en bouche, dix ans sur les hanches », « Ohlala je vais encore manger comme un.e gros.se », « Bon, après, c'est régime sec pendant trois semaines ! »...

Est-ce qu'on peut revenir deux secondes sur ces remarques et autres « blagues » grossophobes qu'on se balance, à soi-même, ou entre nous. Au moment de manger de surcroît ?


Petit aparté histoire de gagner un peu de temps à celleux qui voudront défendre bec et ongles ces comportements culpabilisants et oppressifs : il est là bel et bien question de grossophobie. Exprimer très vocalement sa peur de grossir indique deux choses :
  • la peur de devenir gros.se, donc « moche»;
  • la peur de changer de statut social en perdant son privilège mince parce que l'on SAIT comment notre société traite les personnes grosses (discrimination à l'embauche, violences médicales, isolement social...). On le sait puisqu'on y participe.




(petit thread rapide de l'autre jour sur la question)



Déconstruire la moralité grossophobe de la bonne bouffe


Pourrait-on s'il vous plaît, disais-je, s'arrêter et prendre conscience de la violence de ces phrases toutes faites, prononcées dans le but de se dédouaner du pêcher de se faire plaisir en mangeant ? Oui oui, il est question ici de moralité face au kiff que suscite une belle assiette ou une délicieuse bouchée.

Le fait que l'on s'auto-flagelle verbalement de la sorte, le plus souvent au restaurant ou bien lors de repas de fêtes, trahit un réel sous-texte moral puisque la notion de bouffe plaisir est là à ces deux occasions. Autre indice : ce sont des contextes de sociabilisation. Vous faites-vous les mêmes remarques lorsque vous mangez en solo ? Et pourquoi diable, si vous avez si peur que ça de grossir ?



Il appartient donc de s'interroger sérieusement sur ce qui motive en fait ces démonstrations de faux regrets face à de la bonne nourriture. Pourquoi fait-on cela ? Indiquer haut et fort que l'on a peur de grossir permet en quelque sorte de s'absoudre du pêcher que serait aimer manger quelque chose de bon. Même en étant loin de la notion d'excès suggérée par la faute capitale de gourmandise. Le tout, en condamnant les pêcheur.esse.s gros.ses qui, ielles, se serait lamentablement laissé.e.s aller à la tentation.

Sauf que... et vous allez sans doute être déçu.e.s... ces désagréables vocalises grossophobes ne vont pas magiquement faire baisser le taux de graisses ou le nombre de calories de ce que vous vous apprêtez à déguster. Ce qu'elles font ? Elles entretiennent le culte de la minceur et la culture du régime, idéologies fascisantes du contrôle du corps à la croisée entre le plus cynique des capitalismes et la plus dégueulasse des misogynies (la grossophobie en particulier, et le body shaming en général, touchant plus violemment les femmes, toutes les études en attestent).

Ce sont deux choses qui maintiennent en place la grossophobie. Qui violente les personnes gros.ses mais maintient aussi les minces, bien que privilégiées, dans une tension constante pour ne surtout pas devenir comme elles.

Lutter contre la culpabilisation face à l'assiette


Avant de remettre un peu de bon sens dans ces tristes conversations de table, un peu de contexte pour nuancer : ce ne sont pas que les minces, qui prononcent de telles horreurs. C'est vrai.

Une personne grosse va prononcer ce type de phrases toutes faites pour rassurer son entourage mince sur le fait qu'elle a bien conscience d'être un monstre, qu'elle s'en veut et qu'elle n'est surtout pas en paix avec sa grosseur... Ou pour exprimer la détresse que lui suscite l'idée de grossir encore à cause de son appétit.

Quand une personne mince le dit, ce n'est pas la même limonade. C'est une sorte de péage à passer pour pouvoir profiter d'un bon petit plat tout en conservant les avantages conférés par son statut privilégié de personne non-grosse. Et c'est, contrairement au cas des personnes grosses qui expriment-là des angoisses liées à une réalité concrète, quelque chose qu'il est légitime et nécessaire de déconstruire lorsqu'on le peut.

J'aimerais beaucoup pouvoir maintenir ma colère dans une constance tout feu tout flamme, mais ce dernier constat me donne malgré tout envie de plaindre ces gens. Et c'est, dans un second temps, ce que je vous invite à faire également, cher.e.s et très en chair adelphes du gras. Mais d'abord, l'offensive _sournoise_ est de mise...



Je m'explique : la stratégie que je recommande d'adopter, que ce soit lors d'un déjeuner entre collègues, un dîner entre potes ou un repas de famille, c'est de questionner l'origine de ces propos chez ceux qui partagent votre table. Lorsque vous avez la force et l'énergie pour pouvoir le faire sans craindre d'épuiser vos ressources, ou de déclencher un incident diplomatique bien sûr. Votre sécurité avant tout.

Les allié.e.s minces de la lutte contre la grossophobie, vous, en revanche, ça fait partie de vos missions du quotidien que d'aller éduquer vos pairs. Ouvrez grand vos esgourdes et vos mirettes pour ne plus laisser passer.

Comment procéder ? Très simplement. Lorsque Jean-Michel de la compta, tatie Suzanne ou encore Bob se lamentent devant leur plat. Demandez-leur, dans le plus grand des calmes, s'iels pensent vraiment qu'un repas va les faire devenir obèse. Questionnez les sincèrement sur leur conception de la réalité physique des corps et de leurs fonctionnements lorsqu'iels laissent éclater leur panique de devoir se mettre au régime pour une journée d'excès festifs.

Une fois qu'iels auront fini par remettre les pieds sur terre, c'est le moment de les achever, si je puis me permettre de le formuler ainsi. C'est compassion forcée o'clock. Là, il s'agit de leur mettre la main sur l'épaule et de leur demander s'iels se rendent compte du mal qu'iels se font en propageant de pareilles sornettes. C'est l'heure de dégainer la question qui change tout : « Est-ce que tu réalises que tu te gâches le plaisir d'une assiette d'exception en disant ça ? ».

Une fois qu'iels ont compris que cette démarche LES rend malheureux.ses, on peut leur glisser à l'oreille que ça ruine l'appétit des autres autour aussi, surtout celui des gros.ses. Et que l'origine de ce réflexe est grossophobe.

Quant à ce qui est de plaindre réellement ces tristes âmes, temps deux de l'opération, c'est plus un rappel qu'un conseil, en fait. Que vous ayez réussi à les faire cogiter sur leur condition ou non et même si vous n'avez pas eu la foi de vous lancer dans cette entreprise d'utilité publique... il reste la consolation de se souvenir que ces mots superflus et méchants rendent leurs assiettes insipides. Et pas la vôtre.



Profitez bien, autant que faire se peut, de vos repas de réveillon si vous participez aux fêtes de fin d'année. Et beaucoup de courage pour faire face à la grossophobie qui semble coller au train du fameux « esprit de Noël » jusqu'à poser ses vilains coudes sur la nappe. J'ai la certitude qu'on jour, on la bannira pour de bon de nos festins, et de toutes les autres tablées !

vendredi 21 décembre 2018

Fêtes de fin d'année et grossophobie : le pouvoir de la non-mixité entre gros·ses

Oh well, presque un an de pause non annoncée sur le blog dites donc ! Je vais pas me confondre une énième fois en excuses et explications, c'est ainsi, je me mets au clavier comme et quand je peux. Et puisque, personnellement,  je vis la grossophobie des fêtes de fin d'année encore plus violemment que celle du "corps de plage" estival, c'est le moment idéal pour reprendre. Surtout après le récent traitement médiatique de l'histoire de la nouvelle Miss France, Vaimalama Chaves, pour lequel je vais me permettre une *petite* (on se sait) digression en guise de préambule... Après, on parlera d'occupation de l'espace en tant que personnes grosses ;)


On raconte la perte de poids de la jeune femme comme le passage d'un "monstre" à une "bombe". Et si elle a effectivement subi le harcèlement de ses camarades à l'école parce que leurs comportements sont le reflet de la société grossophobe dans laquelle iels évoluent, parler "d'obésité" pour une personne mesurant 1m78 et pesant 80kg est inexact. Et donc mensonger. Certes, l'IMC (25,2 : synonyme de surpoids, pour la Vaimalama Chaves pré-régime) est toujours autant un concept approximatif et biaisé. Mais envoyer le message aux masses qu'un tel rapport poids/taille soit le signe d'une obésité "monstrueuse"... c'est tout simplement criminel. Tout comme le fait de ne raconter que les histoires de pertes de poids dans les représentations collectives, pour bien asseoir l'idée que c'est le seul salut des gros.ses et autres "pas minces". Oui, criminel. La grossophobie tue.

Donc comme si on n'avait pas assez à faire au mois de décembre, avec la complainte des minces qui ont peur de grossir (j'ai fait un petit thread Twitter là-dessus la semaine dernière, je prépare un article) à cause de deux malheureux repas de réveillon et une boîte de chocolats _enchaînant blagues grossophobes et dissertations sur les régimes et détox à longueur de journée pour se rassurer aux dépens des gros.ses_ on baigne dans les clichés de ce faux conte de fées instrumentalisé à la gloire du culte de la minceur. Et pourtant c'est un gros monsieur en costume rouge qu'on va célébrer durant les derniers jours de l'année ? Il y est des contradictions qui me dépassent, ma foi.



Bref, parenthèse de contexte terminée... j'ai envie de vous parler d'un très chouette outil pour faire le plein de puissance : la non-mixité entre personnes grosses.

J'ai compris l'intérêt du concept de non-mixité depuis longtemps, notamment dans les espaces féministes, entre meufs, et les espaces LGBTQI, entre gens non-cisgenres/hétérosexuel.le.s. Bref, sans les dominant.e.s, qui ont des comportements violents envers les populations aux dépens desquelles iels jouissent de leurs privilèges. Et ce, même lorsque ces personnes là sont "déconstruites".

On peut facilement comprendre l'importance, et la nécessité absolue, de ces réunions en non-mixité lorsqu'on voit la colère de celleux qui n'y sont pas convié.e.s face à l'annonce de l'événement... qui ne les aurait pas intéressé.e.s si l'invitation avait été formulée autrement. Il n'y a qu'à voir le déferlement de haine, campagnes de diffamation et de harcèlement que se prennent les militantes afroféministes sur les réseaux sociaux lorsqu'elles organisent des events qui ne sont pas ouverts aux personnes blanches ! Cet acharnement enragé est, à mon sens, le lointain cousin de la répression policière des mouvements sociaux : symptôme d'un pouvoir qui craint de perdre son autorité.

C'est pourtant sachant tout cela, aussi bien en théorie que dans la pratique, que j'ai découvert qu'il était possible de faire la même chose entre gros.ses. Le concept ne m'était tout simplement pas venu à l'esprit ! L'habitude de voir la grossophobie relayée au rang des faux problèmes dans les cercles militants et "woke", sans doute... Du coup, ça m'est tombé dessus l'hiver dernier, sans que je ne voie venir la chose. C'est après la journée de sensibilisation à la grossophobie, organisée le 15 décembre 2017 à l'Hôtel de Ville de Paris, que j'ai passé ma toute première soirée entre meufs grosses. Et cette expérience m'a complètement ouvert les yeux sur mes relations sociales avec les personnes minces de mon entourage, qui s'y trouvent en large (pun intended) majorité.



Gros remplacement
(c'est pas de moi, c'est des militant.e.s de Gras Politique !)


Nous étions quelques militantes fat positive à profiter de la venue de la blogueuse et fat activiste américaine Jes Baker pour organiser un petit dîner dans la capitale. Au moment de s'installer au restaurant, on a toutes pris le soin d'évaluer, ensemble, la taille du passage vers le bout de la table ainsi que l'épaisseur et la solidité des chaises disponibles, pour que les plus grosses d'entre nous peinent moins. Une démarche qui devrait aller de soi, et qui allait de soi puisqu'elle s'est faite tout naturellement dans cet environnement. Pourtant, c'est quelque chose de rarissime, pour ne pas dire inexistant, lorsqu'il y a une ou deux personnes grosses en minorité parmi des minces.

J'ai pris en pleine face la réalisation que l'on ne se soucie jamais nos besoins en termes d'accessibilité, de notre confort et de notre dignité, lorsque nous sommes entouré.e.s de non-gros.ses. J'ai repensé au nombre de soirées que j'ai passées mal installée, recroquevillée, pour ne surtout pas déborder, prenant sur moi dans la douleur pour ne pas perdre la face. Et priant pour ne pas casser le maigre mobiliser censé me soutenir. Une colère rétrospective s'est emparée de moi, au second plan du pied que je prenais avec mes sœurs de gras.

Depuis ce soir là, j'ai décidé de ne plus mettre mon confort entre parenthèses et d'occuper l'espace que j'ai le droit d'investir, étant donné mon volume. Maintenant, je repère l'endroit le plus accueillant et safe pour mon gros cul et j'y vais, après avoir vérifié que personne n'en ait visiblement plus besoin que moi. Un changement d'attitude pas forcément si visible que ça pour un oeil non-averti, je pense, mais qui vous révolutionne une existence, croyez-moi !

Et ça, c'est juste un exemple, un détail.
Naturellement, aucun propos grossophobe n'a été prononcé dans le groupe durant cette soirée. Et les regards de travers que toute personne grosse installée quelque part dans l'espace public _en particulier dans un contexte de repas_ se prend inévitablement étaient... imperceptibles. Était-ce parce que nous étions en train de vivre un moment d'empouvoirment hors du commun que nous ne les avons pas sentis ? Ou bien était-ce l'énergie dégagée par notre groupe, fière et solidaire, qui empêchait les lâches grossophobes de se livrer à leurs habituelles intimidations ? Un an après, je n'arrive toujours pas à en être certaine. Un peu des deux, j'imagine.

Ce soir là, on a plaisanté sur le fait qu'on "reprenait" Paris. Mais c'était vraiment ça.



On a pris la place qu'on avait le droit d'utiliser sans s'excuser, on a investi l'espace public sans se poser de questions. C'est vrai que ça doit être reposant de vivre le dehors ainsi, comme les minces, qui ne se rendent pas compte de leur privilège. Et qui chouinent dès qu'on leur met le nez dedans. Précision avant de me faire une énième fois accuser de "minçophobie" (coucou, ça n'existe pas dans un monde pensé avant tout par et pour les minces) : je parle "des minces" comme d' un groupe social, dominant, pas d'individus. Donc inutile de prendre mes propos  personnellement. Sauf si ça vous fait cogiter sur vos attitudes et leur pourquoi, parce que c'est important de le faire. Surtout si vous vous dites allié.e.s de la lutte contre la grossophobie.

Plus le temps passe et plus je remarque l'énergie déployée par les gros.ses pour se faire minuscules, pour ne pas gêner, tandis que les minces ne font pas cet effort. Les rares fois où je sors dans des lieux de fêtes, par exemple, je le ressens : je fais tout pour ne pas bouger, le plus loin du passage possible, pour ne pas faire chier les autres. Tandis que les minces font des allers-retours sans fin, s'excusent rarement de vous bousculer ou de vous renverser leurs verres dessus en passant parce qu'iels ne le voient même pas. L'espace public leur est acquis. Je me repense aussi à ce voyage dans un métro bondé, une fois. Dans le carré de quatre places où je me trouvais, nous étions trois meufs grosses. Compactées, droites comme des I, dignes, nous débordions à peine de nos sièges. Ce qui laissait tout loisir au petit loustic maigrichon en face de nous de manspreader de tout son long, jusqu'à nous toucher toutes les trois à la fois.

Inverser le pa(g)radigme


Quelques jours après cette mémorable sortie fat power du 15 décembre de l'an dernier, une amie grosse et moi-même avons revu Jes. Et cette énergie était tout aussi palpable en trio. Je me souviens de ce moment où, dans les côtes de Montmartre, on a toutes les trois ouvert nos manteaux puis retiré des couches et qu'on s'est comprises. On n'a pas eu besoin de justifier qu'on avait très chaud malgré les températures frisant le négatif. Au contraire, nous avons exprimé notre soulagement d'avoir cette liberté, sans le regard interrogateur ou moqueur d'une personne mince à gérer. Quelque chose d'anodin vu de l'extérieur je suppose, mais pour moi, ça a été un des plus grands moments d'insouciance et d'apaisement qu'il m'ait été donné de vivre en 29 ans. Et une prise de conscience mémorable, aussi.



Un petit mois plus tard, mes impressions étaient confirmées lors des Etats Généraux de la Grossophobie, organisés par l'association Gras Politique à Paris. Certes, il y avait quelques allié.e.s minces dans l'assistance, mais je les ai trouvé.e.s très respectueux.ses, sachant rester à leur place et n'ouvrant le bec que pour poser de sincères et pertinentes questions dont nous n'avions pas déjà donné la réponse. Mais surtout, nous étions une majorité de gros.ses. Le paradigme était totalement renversé. Pas de place pour la honte d'être "le monstre" du groupe de minces et beaucoup de fatoyance dans la salle !

Durant l'après-midi, nous nous sommes réparti.e.s en différents groupes de réflexion sur des thématiques précises (représentations, vie sociale, santé...). Nous avons été amené.e.s, pour certain.e.s, à évoquer des sujets graves et difficiles en lien avec toutes les formes de grossophobie que nous avons pu subir. Et c'était léger de pouvoir le faire. Pas d'étonnements naïfs, pas de "tu vois le mal partout". Juste de la compréhension, du respect et de la solidarité. Clairement, nous avons besoin de plus de temps et d'espaces pour de la non-mixité grosse. Aussi bien pour nos bonheurs individuels que pour mettre la grossophobie derrière nos gros derrières... et l'étouffer de nos puissants bourrelets.

Non-mixité grosse et fêtes de fin d'année


Bon. Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça maintenant, me demanderez-vous ? Eh bien tout simplement pour vous recommander chaleureusement de vous saisir au plus vite du formidable outil qu'est la non-mixité entre personnes grosses. Avant les réveillons, entre les réveillons, après les réveillons. Aussi souvent que vous le voudrez et que vous le pourrez pour faire le plein d'une trop rare énergie.

Si les réseaux sociaux permettent de se sentir mieux représenté.e.s en tant que gros.ses et de trouver une communauté d'entraide engagée, engageante et aimante contre la grossophobie... Se retrouver bien en chair et avec peu d'os, entre éléphant.e.s, bibendums et autres propagandistes de l'obésité (oui, on se fait vraiment appeler comme ça lorsque l'on milite pour que les gros.ses soient respecté.e.s au même titre que les minces), est quelques crans au-dessus en termes de kiff et de ressources.

Je peux même garantir à celleux qui me lisent et qui se disent que "ça doit être sympa" qu'iels n'ont pas idée d'à quel point cette sensation est au-delà de la certes merveilleuse mais simple joie. Des prises de consciences monumentales vous attendent sur l'étendue de la grossophobie dans laquelle nous vivons. Et la découverte d'une bienveillance inouïe dans des détails que vous n'aviez même pas remarqué tant vous vous êtes adapté.e.s à cette société qui vous méprise et vous invisibilise en prime !

Donc pour faire le plein de courage avant le repas de famille où on va surveiller votre assiette, pour reprendre goût à la vie après une soirée "de fêtes" où les blagues et réflexions grossophobes ont fusé ou à n'importe quel moment de l'année... je vous encourage à organiser des sorties entre gros.ses. Qu'il s'agisse de petits groupes de copain.e.s, de la création d'un collectif militant près de chez vous, ou encore de l'organisation une soirée communautaire.

Et si vous avez, dans votre malheur, la chance d'être deux ou trois gros.ses dans l'assistance... essayez de vous regroupez et de faire front. Et, petite technique testée et approuvée enseignée par une amie : face à une blague grossophobe (ça marche aussi pour "l'humour" sexiste, raciste, LGBTQIphobe, validiste et psychophobe), faites l'idiot.e. Demandez à votre aimable interlocuteur.rice d'expliquer sa plaisanterie, histoire que vous compreniez en quoi c'est drôle, et regardez lae se confondre en explications bancales tout en sirotant le contenu de votre coupette.



Adipeux Noël et Grosse Année à toustes ♥



PS : Voici mes articles sur la grossophobie et le mouvement body positive en périodes de fêtes des années précédentes ;)








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dimanche 24 décembre 2017

Culture du régime pendant les fêtes : "Chocolat, Ursula & TCA" un conte de Noël teinté de grossophobie


Dans ma participation au podcast auquel d'Arte, "Le gras est politique" aux côtés de Lucie Larousse et de Gras Politique, j'ai évoqué un épisode en apparence innocent de mon enfance; Je parlais d'un simple bout de pain, que j'ai refusé de manger en pleurant car "il allait me faire grossir", dans l'idée de montrer à quel point on peut intégrer l'idée que la pire chose au monde est de grossir tôt, à quel point c'est absurde de violence, et à quel point notre société est profondément grossophobe.



J'ai été surprise d'avoir plusieurs retours sur ce passage spécifique, alors je vais vous en raconter un autre, un peu dans le même genre, mais encore plus banalement violent, et plus étoffé...
Trigger warning : je vais vous parler d'anorexie, et de culture du régime, en période de fêtes de fin d'année.

***

Depuis petite, ma mère a commencé à rationner tout ce que je mangeais, en prêtant une attention particulière aux sucreries. Il n'y avait quasiment jamais de douceurs à la maison, du coup je me rattrapais quand je pouvais avec la monnaie à la boulangerie, ou aux goûters chez les camarades de classe. On a rapidement compris que la chose que j'aimais le plus au monde, c'était le chocolat, le chocolat praliné. Du coup, chaque année, sous le sapin (dès fois le 25 pour faire comme tout le monde, mais dans la tradition russe non-croyante, notre vraie grosse fête où passe le Père (Noël) Grand Froid, c'est pour la Nouvelle Année, le 31), j'avais une boîte d'Escargots de Lanvin.

Au fil des ans, ce rendez-vous est devenu mon "pêcher mignon" _je déteste cette expression mais elle est très importante pour illustrer à quel point la morale alimente la grossophobie_ j'avais hâte d'ouvrir cette boîte et d'en savourer ce contenu si rare et si précieux. Pour lequel je me faisais toujours réprimer de ne pas assez l'économiser, d'ailleurs.

Je ne vais pas vous faire tout l'historique de mes régimes et de mon anorexie ici (je l'évoque brièvement dans le podcast), mais simplement resituer : mon année de première et de terminale ont été marquées par ce trouble du comportement alimentaire. Naturellement, les fêtes étaient une période extrêmement compliquée à vivre pour ne pas me faire repérer, car pour une fois, on insistait pour que je mange, reprenne une seconde portion, vu que j'étais maigre !... Et c'était une vraie violence que d'avaler toute cette nourriture pour maintenir les apparences, avant de filer aux toilettes m'en débarasser le plus discètement possible.

Mon premier Nouvel An d'anorexique, ma mère ne m'a pas offert d'escargots pralinés, soucieuse d'encourager ces efforts si sains de ma part pour enfin être cette fille mince dont elle avait tant rêvé. Mais à table, chez les amis russes avec lesquels nous fêtions le réveillon du 31, il y en avait une immense, de boîte. Et tout le monde a insisté pour que j'en prenne au moins un. J'ai résisté, mais j'ai fini par en poser un devant moi, et une fois l'attention envolée vers un autre sujet, j'ai été le glisser dans mon sac à main.

Le lendemain, je l'ai mis dans la boîte de mes Converse neuves, et l'ai calée sous la première marche de l'échelle menant à mon lit mezzanine. De là, j'ai créé un autre rituel avec cette friandise. Les jours où j'étais particulièrement fatiguée et triste de passer mes journées à compter les calories, faire des allers-retours ax WC, m'épuiser sur le vélo heliptique dans le garage en tenue de sudation, me détester... J'ouvrais cette boîte et soutenais le regard de cet escargot doré pour me rappeler à quel point j'étais FORTE, résistante, accomplie malgré la souffrance.

Un Noël et un printemps plus tard, j'ai glissé de l'anorexie à l'orthorexie, et commencé à reprendre du poids. Je me souviens d'avoir fait un grand ménage dans ma chambre avant la rentrée qui marquait mon passage aux études supérieures. J'avais presque fini par oublier cette boîte, et je l'ai ouverte, mais, toujours profondément dans la restriction et la haine de moi-même, je l'ai refermée, puis balancée dans l'immense sac poubelle avec laquelle je faisais mon tri.

C'était juste UN pétain de chocolat, mon chocolat préféré, mais non.
Il symbolisait un lâcher-prise qui m'était interdit, la VIE que je ne pouvais pas m'autoriser si je voulais être belle et acceptée, vu que c'était la seule chose qui comptait à ce moment là.

Quelques années plus tard, en coulisses d'un dîner de Noël dans la famille de mon ex, j'exprimais à mon beau-père de l'époque la douleur que j'éprouvais à voir sa petite amie se priver si "vocalement" des bonnes choses qu'il y avait à table car elle "faisait attention" (quand je vous disais qu'être au régime 365j/365 était un TCA totalement acceptable...), car il avait lancé cette conversation lors du rangement,. Il m'a alors rétorqué qu'il comprenait qu'elle fasse gaffe, car "quand elle était petite elle était un peu boulotte, comme moi" (je faisais un petit 38-40 à ce moment là de ma vie), dans la plus grande décontraction. Je lui raconte donc l'épisode de l'escargot, pour lui montrer à quel point ces privations sont violentes et inutiles, dans le fond. Pas ému une seule seconde de ce que je viens de confier les larmes aux yeux, il se contente de dire que c'est important de se contrôler pour ne pas se laisser aller.

Lui-même enchaînait alors les régimes qui échouaient à chaque fois.
Aujourd'hui encore, la violence de la grossophobie internalisée me dépasse.

Lors de cette cette conversation, j'avais enfin stabilisé mon poids, je mangeais "normalement", sans me priver ni me goinfrer, j'avais trouvé une sorte d'équilibre et commençais tout doucement à m'accepter telle quelle. Mais cette conversation, les remarques de mon ex sur le fait que je ne sois "pas vraiment mince" et celles des collègues de l'époque quant au fait que "j'assumais mes rondeurs" m'ont replongée dans la spirale des régimes quelques mois plus tard... Le yoyo qui a suivi a fini par me faire passer cette barre tant crainte des 100 kilos, des fringues impossibles à acheter dans les magasins mainstream et des vergetures grimpant de plus en plus haut vers mon nombril à mesure que mon ventre grossisait, et qu'il grossit toujours.

Si on m'avait dit que ce serait précisément de franchir ce cap, sur lequel de nouveaux kilos se sont greffés depuis, qui me libererait de ma grossophobie internalisée... Je ne l'aurais jamais cru. Ouais, ça y est, les toubles du comportement alimentaire et les régimes ont fait de moi cette grosse que vous aviez tou.te.s si peur que je sois, on peut changer de sujet maintenant ?!

J'ai eu d'innombrables engueulades avec ma mère à ce sujet depuis, elle me parlait très régulièrement de "ma santé" pour appuyer ses injonctions à manger de plus petites portions et à mincir, elle s'offusquait quand je lui rappelle le rôle qu'elle a joué dans l'engrenage qui m'a menée jusqu'ici. Je me suis tant affirmée quant à cette partie de mon identité, de mon militantisme, que je ne lui laisse plus aucune place sur ce terrain. Alors elle trouve des moyens détournés de me signifier sa désapprobation quant à mon apparence, mes "choix de vie". Maintenant son grand truc pour me dire qu'elle n'aime pas ma couleur de cheveux, ma tenue, ma silhouette ou mon attitude, c'est de me comparer à... Ursula.



Mais pauvre âme en perdition... Elle ne sait pas que c'est justement une des représentations de grosse qui me donne de la force pour résister au bullshit grossophobe ambiant ! Je me contente de hausser les épaules lorsqu'elle me dit ça, car j'éprouve une immense satisfaction à prendre ce compliment qu'elle me fait sans le savoir ¯\_(ツ)_/¯

Depuis que je suis "officiellement grosse", je m'offre une boîte d'escargots de Lanvin chaque année pour les fêtes, et je ne lui fais pas de quartier. Et en repensant à Ursula, je me suis dit que ces chocolats ressemblaient qand même grandement à son collier magique, alors...


Bon, si je vous dit tout ça, c'est pas juste par plaisir d'étaler mon intimité ni de m'amuser à faire des photos rigolotes. La morale de cet étrange conte de Noël est la suivante : je peux compter les regrets de ma vie sur les doigts de la main, et celui de n'avoir pas sorti ce petit gastéropode cacaoté de son emballage doré pour le croquer il y a une dizaine d'années en fait partie.

Donc aujourd'hui, 24 décembre 2017, sans vouloir tomber dans une injonction malgré-moi, j'ai quand même terriblement envie de vous dire de vous faire plaisir, de mordre à pleine dentition dans toutes ces bonnes choses que la morale grossophobe voudrait vous interdire. C'est cliché mais ouais, on n'a qu'une vie, et comme dirait l'autre "la vie est trop courte pour s'épiler la chatte" : c'est important de s'interroger sur les choses qu'on se fait subir, pourquoi on les fait, qu'est-ce qu'elles nous apportent, et de faire, ou revoir, nos choix ensuite.

Mais promis, un soir de l'année, ce petit bonus chocolaté ne changera RIEN, à part libérer de l'endorphine dans votre cerveau, et vous faire du BIEN. C'est ce que j'aimerais parfois retourner dans le temps pour me dire, alors à tout hasard, je vous le couche ici par écrit.

Enfin, à tou.te.s les personnes dans la privation des régimes, dans l'enfer d'un trouble du comportement alimentaire, et à tou.te.s les gros.ses qui affrontent à l'instant même des fêtes de famille très oppressives... Je pense fort fort fort à vous, et vous envoie tout mon soutien, à vous, ainsi qu'à tou.te.s celleux qui vivent le racisme, les LGBTQIphobies et le validisme encore plus fort pendant cette période de l'année ❤️💜💙💚💛

Sachez que de nombreux.ses militant.e.s fat activistes et body positive partout dans le monde donnent toute leur énergie chaque jour pour détruire le système normatif capitaliste, sexiste, raciste, validiste et toute la liste qui vous fait vivre tout ça, et qu'iels y arriveront.



Peut-être pas pour Noël 2017, ni même 2018, mais iels y arriveront.
On y arrivera.

Et si vous voulez, et pouvez, il y a de la place pour tou.te.s dans les rangs, on vous attend ;)